mardi 26 juin 2012

Pas de sac à la SAQ : une politique sexiste !


Paru sur LaPresse.ca, le 26 juin 2012. Discuté le 27 juin à l'émission "C'est bien meilleur le matin", SRC Première chaîne.

Vous arrive t-il, après le travail, d’avoir envie, spontanément, de prendre une bouteille à la SAQ, question de fêter une belle soirée d’été avec l’élu(e) de votre cœur? Si vous êtes une femme, pas de problème, après avoir passé à la caisse, vous glissez la bouteille dans votre sacoche.  Mais si vous êtes un homme, mal vous en prend : depuis 2009, la SAQ ne fournit plus de sacs à usage unique. Je ne peux même pas en acheter un pour cinq cents, comme à l’épicerie. À la place, le commis me propose un sac réutilisable à 75 cents. Le hic, c’est que j’en ai déjà une collection ‑ et que je ne tiens pas à l’agrandir.

Mais je bats ma coulpe, car je n’ai qu’à prévoir, le matin avant de sortir, d’apporter un sac réutilisable au cas où j’ai une envie subite, huit heures plus tard, de faire un saut à la SAQ. Suffit de prévoir, non? Quelle lubie de croire que la SAQ, comme les autres détaillants, veut me faciliter la vie!

L’on me répondra qu’une bouteille est en elle-même un contenant. Et que si je n’en ai qu’une seule à emporter, je n’ai pas besoin de sac. Euh, pardon, c’est que j’ai une petite gêne : je n’aime pas trop exhiber ce que je bois. Si je prends une bouteille bas de gamme, je passe pour un colon; et si j’en prends une bonne, pour un parvenu. (Une chance que je ne raffole pas du gros gin…)

Évidemment, le problème se pose seulement si je dois trimballer ma bouteille dans les transports collectifs. Alors j’ai trouvé la solution : toujours prendre ma voiture! Ainsi, discrétion assurée. Ce n’est sans doute pas ce qu’avaient prévu les bonnes âmes qui ont pondu cette politique « pas de sac à usage unique». Voilà une belle illustration de la loi de Merton sur les conséquences inattendues.

Chère SAQ, avez-vous pensé que votre politique pénalise les hommes? Soixante-quinze cents (le prix d’un sac réutilisable) sur une bouteille de 15$, équivaut à une surtaxe de 5% payée uniquement par les hommes (du moins ceux qui n’ont pas sacoche). En cela, c’est une forme de discrimination systémique sur le sexe. D’ailleurs, je pense que je vais intenter un recours collectif. La Commission des droits de la personne va-t-elle m’appuyer?

Pourquoi la SAQ ne vend-elle pas des sacs à cinq cents, comme les épiceries? Pourquoi ces sacs ne pourraient-ils pas être en papier? Biodégradable, le sac en papier serait un bon compromis entre la bien-pensance et le sens du service à la clientèle. Réponse de l’économiste : parce que la SAQ n’a pas besoin de se plier aux préférences de ses clients (ici masculins). Avec son quasi-monopole sur la vente au détail, elle peut se permettre de nous faire la morale. 
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27 juin: une réplique par ici. Merci à son auteur: à lire son texte, j'ai rigolé autant qu'en rédigeant le mien.