(Paru dans LaPresse, le 16 septembre 2003)
Avec l’élection, à Québec, d’un gouvernement ayant déclaré son intention de procéder à une réingénierie de l’État, l’heure du partenariat public-privé (PPP) pourrait enfin être arrivée. Une politique sur le sujet a été annoncée pour cet automne. Certes, des gestes avaient déjà été posés: le Conseil du trésor s’est doté en 1999 d’un Bureau des partenariats d’affaires (BPA). L’Institut pour le partenariat public-privé réunit les entreprises et les intervenants publics intéressés par ce mode de prestation des services. Dans le monde de la recherche, le CIRANO et le CEFRIO en ont étudié plusieurs facettes. Mais en dépit de toute cette activité intellectuelle, le Québec n’a pas jusqu’à présent fait appel au PPP autant que plusieurs pays de l’OCDE, ni même autant que plusieurs provinces canadiennes. Ainsi le programme visant la construction par des producteurs privés de 36 petites centrales hydroélectriques a accouché de seulement trois projets. Et les discussions Québec-Ottawa autour du prolongement de l’autoroute 30 refusent obstinément d’aboutir.
Par contraste, l’Ontario recourt actuellement à un PPP en vue de construire deux nouveaux hôpitaux. Le Royal Ottawa (188 lits) sera conçu, bâti, financé, exploité, géré et entretenu par un partenaire privé, qui louera l’installation à l’hôpital par un bail à long terme. Tandis que la propriété et l’exploitation non médicale de la nouvelle installation seront entre les mains du secteur privé, le financement et la prestation des services de santé mentale demeureront du ressort du secteur public, respectant ainsi la Loi canadienne sur la santé. L’autre projet, à Brampton, consiste en un nouvel hôpital de 600 lits de soins aigus.
Pour distinguer le PPP de la notion mieux connue d’impartition, rappelons que le premier porte typiquement sur la construction et/ou l’exploitation d’un immeuble, d’un équipement ou d’un autre actif d’envergure en vue de la prestation d’un service public, tandis que le second vise à déléguer à une entreprise privée des fonctions auparavant accomplies par des employés de l’État.
Des avantages pour les usagers et les contribuables
Si tant d’États souverains et régionaux recourent de plus en plus à l’impartition et au PPP, c’est que ces formules leur procurent des avantages significatifs. Ainsi un impartiteur a normalement été sélectionné à l’aide d’un appel d’offres qui permet d’identifier les processus les plus efficaces. Il réalise habituellement un volume d’affaires dans son métier qui lui permet de rentabiliser des équipements plus performants mais plus dispendieux. Les études recensées par l’OCDE révèlent des économies pour le donneur d’ouvrage variant pour la plupart entre 10% et 30%, entre autres dans le domaine de l’entretien d’immeubles. Plus il y a de concurrents, plus le donneur d’ouvrage réalise des économies.
Au-delà des coûts, le processus d’appel d’offres oblige le requérant à développer des critères objectifs de performance à l’aide desquels il pourra évaluer ses impartiteurs et sous-traitants, un exercice qui améliore en soi la qualité des services fournis. L’impartition de fonctions de soutien permet à la direction du requérant de se concentrer sur son métier fondamental.
On retrouve aussi ces avantages caractéristiques de l’impartition dans le PPP. Mais en plus, puisqu’il y est question d’un actif significatif, le PPP permet de transférer vers un partenaire privé certains coûts et risques encourus par l’État-investisseur. Ainsi c’est le partenaire privé qui assume le coût de l’investissement initial; le PPP devient alors une stratégie intéressante pour moderniser les infrastructures sans pour autant alourdir la dette publique. Mais surtout, l’État évite d’assumer le risque de retard dans l’achèvement des travaux et le risque de dépassement des coûts, deux problèmes courants.
Un vaste éventail de possibilités
Au XIXe siècle, l’État français accordait déjà des contrats de concession pour la construction et l’entretien de routes, canaux et chemins de fer. À l’échelle internationale, le PPP porte maintenant sur un large éventail d’infrastructures telles que des édifices abritant des hôpitaux ou des écoles, voire des inforoutes. Il s’applique aussi à une plus grande partie des composantes d’un service à la population. Par exemple, c’est le concessionnaire qui exploite des centres correctionnels en Ontario et au Royaume-Uni, en plus de les construire. Le tableau énumère les principaux exemples dans trois groupes de services qui pourraient faire l’objet d’un PPP ou être impartis. Dans le domaine des infrastructures de transport par exemple, la Commission de consultation sur l'amélioration de la mobilité entre Montréal et la Rive-Sud (commission Nicolet) a étudié en 2001-2002 les modalités d’un nouveau lien (pont ou tunnel) entre Montréal et la Rive-Sud. Selon divers scénarios, ce lien pourrait être construit, financé et exploité par un partenaire privé. Les conducteurs prêts à payer un péage pour gagner du temps contribueraient à rémunérer le promoteur, ainsi que le gouvernement. Un modèle semblable pourrait aussi s’appliquer à un futur pont entre Montréal et Laval dans le cadre du prolongement de l’autoroute 25.
Dans le domaine des services municipaux, l’expérience anglaise du Compulsory Competitive Tendering (CCT) montre que les services soumis à la concurrence ont vu leur productivité augmenter en moyenne de près de 25% et leurs coûts par unité diminuer de plus de 10%. Toutefois, plus de 70% des appels d’offres lancés par les municipalités anglaises ont été remportés par leurs unités syndiquées. Ce n’est donc pas tant l’impartition en soi que le recours aux appels d’offres – avec ce que cela entraîne en termes de recherche de productivité par les soumissionnaires – qui a permis de réduire le coût des services municipaux.
Chez nous, outre la question des coûts, l’assujettissement à la concurrence de certains services municipaux revêt un intérêt particulier dans le contexte du débat sur la défusion à Montréal. Les unions municipales réclament depuis belle lurette que Québec modifie l’article 45 du Code du travail pour faciliter le recours à la sous-traitance. Si le nouveau gouvernement réalise sa promesse électorale à cet égard, les municipalités pourraient émettre des appels d’offres et éventuellement impartir des services de voirie ou d’entretien, par exemple.
De nombreux gouvernements ont fait appel à l’impartition et au PPP pour réduire le coût de leurs services publics et moderniser leurs infrastructures. Il n’est même plus requis d’innover: le Québec peut profiter de l’expérience acquise ailleurs pour procéder rapidement à la réingénierie de l’État.
Paul Daniel Muller est chercheur associé à l'IEDM et auteur de la Note économique intitulée Des services publics plus efficaces grâce au partenariat public-privé.
mardi 16 septembre 2003
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