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samedi 26 janvier 2019

Déclaration de revenu unique: pour un compromis


Publié le 26 janvier 2019 dans LeDevoir et LaPresse. Pour une réflexon sur les enjeux et les obstacles à l'idée de réunir les déclarations de revenus fédérale et provinciale, voir ici.



La proposition faite jeudi dernier par François Legault à Justin Trudeau de réunir les déclarations de revenus fédérale et provinciale en une seule serait fort avantageuse pour les contribuables : moins de formulaires à gérer; une seule agence avec laquelle transiger plutôt que deux. En prime, quelques 500 millions en économies administratives qui pourraient être réallouées à des priorités. Les idées pour utiliser 500M$ ne manquent pas; rares sont celles pour dégager une telle une marge de manœuvre--tout en améliorant le service à la population. Qui dit mieux ? 

En mai dernier, Jean-François Lisée, alors chef du PQ, proposa et fit adopter par l’Assemblée nationale une motion à l’effet qu’une déclaration de revenus unique devrait nécessairement être administrée par Revenu Québec plutôt que Revenu Canada. Pour l’instant, M. Legault s’en tient à cette position. Malheureusement, à moins d’être plus créatif, quitte à marcher un peu sur la peinture, sa proposition restera lettre morte, car elle heurte deux puissants intérêts particuliers. 

Le premier est qu’elle entrainerait des pertes d’emploi à l’Agence du revenu du Canada (5300 emplois au Québec), notamment dans ses centres fiscaux de Shawinigan (1300) et de Jonquière (1000). Or, les bureaux de l’ARC en région, au Québec comme ailleurs, sont depuis toujours convoités ou défendus par les politiciens du coin pour les emplois qu’ils y créent.  

Le second est celui des deux agences du revenu. Revenu Canada et Revenu Québec vont chacune continuer de résister bec et ongles aux velléités des politiciens d’en charcuter l’une au profit de l’autre. En 1991, quand le gouvernement Mulroney délégua la perception de la TPS à Québec, le mandarinat fédéral avala de travers. À l’époque, ce geste décentralisateur était le prix que le fédéral dut payer pour obtenir l’adhésion du Québec à la TPS et son intégration avec la TVQ. Ce contexte particulier donnât un rapport de force exceptionnel au Québec, qui fut nécessaire pour passer outre aux objections du mandarinat fédéral. Rien n’indique que M. Legault dispose actuellement d’une monnaie d’échange semblable pour obtenir de M. Trudeau qu’il cède à Québec la perception de l’impôt fédéral. 

Au vu de ces obstacles, l’idée d’avoir une déclaration unique, relevant pourtant du sens commun, ne servira en fin de compte à M. Legault qu’à illustrer son nationalisme. Pourtant elle mérite mieux que d’être une simple munition dans la joute politique. 

Pour la concrétiser, il nous faudra sortir des sentiers battus. Par exemple, Revenu Québec et la section québécoise de l’ARC pourraient être réunies dans une agence en copropriété fédérale-provinciale, avec un conseil d’administration paritaire et une présidence tournante. Autrefois, chaque ministère et organisme avait ses propres services d’informatique et d’approvisionnement, entre autres. De nos jours les gouvernements ont des centres de services partagés. Pourquoi ne pas transposer ce concept aux agences de perception du revenu ? Des penseurs canadiens écoutés au Parti libéral du Canada, comme Michael Ignatieff, Will Kymlicka ou Jeremy Webber ont défendu le principe du fédéralisme asymétrique dont cette solution s’inspire. Les deux partis d’opposition à Ottawa ont montré une ouverture à la position québécoise.  

La délégation réciproque représente une autre piste à explorer. Québec pourrait déléguer à l’ARC la charge de percevoir l’impôt sur le revenu des particuliers; en échange Ottawa déléguerait à Revenu Québec la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés. Un arrangement en sens inverse (les particuliers au Québec, les sociétés et la TVQ à Ottawa) est aussi envisageable. 

Dans l’une ou l’autre de ces solutions, ni l’ARC ni l’ARQ ne supporterait seule le fardeau de coupes associées aux centaines de millions $ en économies. Chaque gouvernement conserverait l’essentiel de son autonomie au niveau de la politique fiscale.  

L’intérêt des contribuables, c’est-à-dire monsieur et madame Tout-le-monde, doit primer sur les intérêts particuliers des parties prenantes. Espérons que cet intérêt public soit assez fort pour amener les politiciens à faire des compromis. 

jeudi 21 février 2013

Assurance-emploi : pensons (aussi) aux cotisants

Paru dans LaPresse le 21 février 2013, page A18.

Les adversaires de la réforme de l’assurance emploi s’indignent à l’idée que le régime demande à ses prestataires fréquents de chercher un emploi situé jusqu’à une heure de leur domicile. Pendant ce temps, chaque jour de la semaine, matin et soir, des milliers de Québécois résidant dans les couronnes Nord et Sud de Montréal se tapent une heure de navette entre leur domicile et leur travail.

Les adversaires de la réforme rejettent l’idée que des prestataires fréquents puissent être obligés d’accepter des emplois moins rémunérateurs ou qui ne font pas appel à toutes leurs qualifications. Pendant ce temps, chaque année, des milliers d’immigrants diplômés acceptent des emplois en-deçà des leurs. N’ayant pas encore acquis le droit à l’assurance emploi, ils doivent bien gagner leur vie.

Toute modification à un plan d’assurance pose nécessairement la question d’équité. Mais c’est en pensant, aussi, aux travailleurs de la classe moyenne, qui cotisent jusqu’à 720$ par année à l’assurance emploi, que nous pouvons apprécier la réforme en toute équité.

L’opposition à la réforme s’est braquée jusqu’à présent sur le sort des travailleurs saisonniers en région. Or, la réforme vise nommément les prestataires fréquents : ceux qui ont reçu des prestations pendant au moins 60 semaines au cours des cinq dernières années, suivant au moins trois demandes distinctes. Bien que quatre prestataires fréquents sur cinq soient des travailleurs saisonniers, la plupart de ces derniers sont néanmoins citadins. Trois secteurs industriels - la construction, l’enseignement et la fabrication - comptent pour la moitié des travailleurs saisonniers parmi les prestataires fréquents. Ces secteurs ne sont pas associés aux régions.

En particulier, l’industrie de la construction fournit à elle seule le quart des travailleurs saisonniers parmi les prestataires fréquents. À l’échelle du pays, les prestations versées aux travailleurs de la construction ont excédé du quart les cotisations perçues de ce secteur en 2007 et 2008, avant la récession, cet excédent bondissant à plus de 100% en 2009, année de récession. Avant et après la récession, près de la moitié des demandes de prestations saisonnières reliées à la construction provenaient du Québec; un cinquième provenaient de l’Ontario. Pourtant, l’industrie de la construction ontarienne employait presque deux fois plus de travailleurs que celle du Québec. Ainsi, l’industrie québécoise de la construction, incluant ses entrepreneurs et ses travailleurs, mais aussi ses donneurs d’ouvrage, réussit à transférer une partie de ses coûts vers les cotisants d’autres industries et d’autres provinces.

Cet exemple illustre comment le programme d’assurance-emploi s’est éloigné de sa vocation originale, celle d’assurer les travailleurs contre le risque de perte d’emploi, voire de faire contrepoids aux soubresauts de la conjoncture. Il est devenu un instrument d’assistance à certaines industries et à certaines régions ou municipalités dévitalisées.

Dans le cas de la construction, l’assistance sempiternelle est injustifiable. Dans le cas de certaines industries sises en région, comme la pêche, les gouvernements les subventionnent au nom de l’occupation du territoire. Mais appelons alors un chat un chat. Enfouir une mesure d’assistance dans un plan d’assurance, c’est miner le sentiment de solidarité des cotisants. Des travailleurs qui, rappelons-le, cotisent pour se prémunir du risque de perte d’emploi. Souhaitons que l’actuelle réforme pousse les gouvernements, à Québec comme à Ottawa, à rendre plus transparente l’assistance industrielle ou régionale. En particulier, l’industrie de la construction devrait autofinancer la stabilisation du revenu de ses travailleurs.

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Les données historiques proviennent des Rapports de contrôle et d'évaluation du régime d'assurance-emploi, éditions 2009, 2010 et 2011. 

samedi 17 mai 2008

Pas (d’éolienne) dans ma cour

(Paru dans Les Affaires, le 17 mai 2008, p. 36)

Le gouvernement et Hydro-Québec viennent de retenir 15 projets de parcs éoliens au terme de l’appel d’offres pour 2000 MW de puissance.

Québec a bien insisté sur le fait que la réalisation des projets serait subordonnée à leur acceptation par leur communauté d’accueil. Et bien qu’Hydro-Québec ait déjà écarté des soumissions pour des projets controversés, on peut s’attendre à ce que d’autres soient abandonnés en cours de route.

Espérons cependant que les parcs éoliens seront moins contestés que l’ont été les petites centrales hydroélectriques. En 2001, le gouvernement Landry avait publié une liste de 36 sites susceptibles d’en accueillir. À la suite d’un appel d’offres et de moultes contestations, seulement trois projets ont finalement été réalisés.

Les petites centrales avaient pourtant reçu l’appui d’organismes de développement économique régional et local, ainsi que des élus locaux. Mais des artistes et des groupes écologistes avaient réussi à récupérer les quelques propriétaires riverains opposés aux projets, puis à faire tourner l’opinion publique contre la filière.

Dans le cas des parcs éoliens, cependant, les groupes écologistes sont en faveur. L’opposition vient de propriétaires riverains, comme à Saint-Jacques-Le-Mineur, qui redoutent la détérioration des paysages. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est l’intensité des opposants qui détermine lequel aboutira.

On entend «Pas dans ma cour!» pour toutes sortes de projets: des sites d’enfouissement, des lignes de transport d’électricité, des sentiers de motoneige et des tronçons d’autoroutes. C’est la réaction courante à des projets qui sont souvent nécessaires ou rentables à l’échelle du Québec ou d’une région, mais qui sont perçus comme nuisibles sur le plan local.

Devant des communautés d’accueil ou des propriétaires riverains récalcitrants, le promoteur peut choisir entre trois solutions: abandonner le projet; obtenir du gouvernement qu’il passe outre aux objections par décret, comme dans le cas de ligne Hertel-Des Cantons; négocier le consentement des parties prenantes. La troisième solution qui est souhaitable, mais pour qu’elle fonctionne, il faut amener les récalcitrants à révéler le véritable prix de leur consentement.
Car ce prix existe bel et bien. Les Cris se sont opposés pendant trente ans aux projets d’Hydro-Québec sur la rivière Eastmain – jusqu’à ce que Québec leur offre 3,5 milliards de dollars en redevances sur cinquante ans. Tel était le prix de leur consentement. On a appelé cela la Paix des Braves.

Comment donc parvenir à de telles ententes qui permettent de débloquer des projets?
Quand un équipement pourrait être implanté sur divers sites, des économistes suggèrent de mettre en concurrence les différentes communautés d’accueil dans une sorte d’enchère. Par exemple, chaque partie prenante exprimerait le dédommagement exigé pour accueillir l’équipement sur son territoire. Celui qui aurait l’exigence la plus basse accueillerait l’équipement et recevrait le dédommagement demandé, sous la forme d’un nouvel équipement municipal ou d’un simple chèque.

De nos jours, on entend souvent déplorer l’immobilisme ambiant. Au nom d’une conception du bien commun, on fait la leçon aux récalcitrants. Une voie plus fructueuse serait de créer des mécanismes de marché pour dédommager raisonnablement les riverains des réels inconvénients qu’ils assument à l’échelle locale, compte tenu des bénéfices qu’un projet engendre pour la société.

samedi 23 février 2008

Aides fiscales aux régions ressources: oui, mais...

(Paru dans Les Affaires, le 23 février 2008, p. 24)

Lorsque le comité présidé par l’économiste Robert Gagné a recommandé de réviser à la baisse le programme d’aides fiscales aux régions ressources, les gens d’affaires de la Beauce ont applaudi; tandis que ceux de la Gaspésie et de l’Abitibi ont protesté.
Depuis 2001, certaines catégories d’entreprises de sept régions ressources peuvent réclamer des crédits d’impôt équivalent à 30% de leur masse salariale. But: promouvoir la création d’emplois dans des régions éprouvées par le chômage.
Mais tout comme plusieurs interventions gouvernementales bien intentionnées, celle-là a produit des effets pervers. Par exemple, un fabricant situé à Ste-Marie-de-Beauce n’a pas droit à un crédit d’impôt, mais son concurrent implanté de l’autre côté de ligne de démarcation administrative, dans le Bas-Saint-Laurent, peut en bénéficier. Grâce à ses coûts de main-d’oeuvre subventionnés, le second pouvait rafler des contrats au premier. D’un point de vue pan québécois, un tel résultat ne crée pas d’emplois: c’est du transfert.
Au total, les aides fiscales aux régions ressources ont couté 112 millions $ en 2006. Ce sont des dépenses fiscales payées par l’ensemble des contribuables qui s’opposent rarement à ce genre de mesure. L’économiste américain Mancur Olson (1932-1998) a expliqué le phénomène: les gouvernements font l’objet de pressions intenses de la part d’associations industrielles sectorielles et de groupes professionnels bien organisés qui militent pour des subventions ou des mesures protectionnistes. Par contre, les millions de contribuables ou de consommateurs, qui assument le coût de ces politiques, ne s’organisent par pour s’y opposer. Pour eux, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Souvent, ils n’ont même pas conscience d’être les vaches à lait des lobbies.
Mais pas dans ce cas ci. Les aides fiscales aux régions ressources ont fait des victimes concentrées dans les régions limitrophes, comme Chaudière-Appalaches et la Beauce. Des entreprises dans ces régions se sont coalisées pour faire échec à la mesure. Robert Dutil, qui fut ministre dans le gouvernement Bourassa, est allé jusqu’à fonder un parti politique voué à cette cause. Cette coalition qui a poussé le gouvernement à créer un comité pour revoir cette poolitique.
Les recommandations du rapport Gagné auraient pour effet de supprimer les pires distorsions causées par les aides fiscales aux régions ressources. Mais pas plus. Le rapport propose de maintenir une aide fiscale aux PME manufacturières des régions ressources jusqu’en 2015, mais en remplaçant les crédits d’impôt associés à la masse salariale par un crédit d’impôt à l’investissement.
De 1998 à 2005, la croissance annuelle de la productivité dans le secteur manufacturier a été en moyenne de 3,5% dans les régions urbaines et de seulement 0,2% dans les régions ressources. Ces régions ont besoin d’investissements et non d’une création d’emplois artificielle, particulièrement si l’on tient compte de la rareté croissante de la main-d’oeuvre spécialisée.
Le rapport Gagné propose aussi de fixer le niveau d’aide selon la distance par rapport aux grands centres urbains. Le crédit d’impôt à l’investissement serait disponible pour les PME manufacturières à un taux de 40% dans la zone la plus éloignée et à 20% dans la zone intermédiaire. Deux fabricants d’un même produit recevraient ainsi une subvention fiscale différente selon leur emplacement. Bref, les recommandations du rapport Gagné représentent un petit pas dans la bonne direction, mais la route vers une politique fiscale dépourvue d’effets pervers sera encore longue!

jeudi 14 février 2008

There's a better way to support the regions

Paru dans The Gazette, le 14 février 2008, p. B-5

Hardly anyone noticed in Montreal when a task force commissioned by the Quebec government recommended last week an overhaul of a tax subsidy program to the so-called "resource regions." Businesspeople cheered in the Beauce, while others howled from the Gaspé to Abitibi.
For years, businesses in seven resource regions have been able to claim tax credits on the basis of their payroll size. The goal was, of course, to encourage job creation in areas where poverty and unemployment is higher and where many people leave for the big cities to find work. But like many well-intentioned government interventions, it had perverse effects.

A manufacturing firm in the prosperous and industrialized area of Ste. Marie de Beauce would thus not be able to benefit from the program. But move only a few kilometres east into the Lower St. Lawrence region, and the same type of firm would get a 30-per-cent to 40-per-cent credit on salaries paid to its employees. With dramatically lower labour costs, the second firm would of course be able to offer better prices for its products and undercut its competitors in the non-privileged region.

It's no wonder that people in the Beauce got together to fight against what they perceived as a particularly unfair program - to the point where former Beauce-Sud MNA and Bourassa government minister Robert Dutil even founded a new political party solely devoted to solving this problem.

Such subsidies programs rarely face opposition. Governments are under constant pressure from small and concentrated group of beneficiaries for whom it is worth spending money on lobbying to maintain those programs. But those who pay for them, the millions of taxpayers dispersed across society, often do not even know of their existence and couldn't care less. So no one will object to them.

But in this case, the program created a very vocal group of opponents. And that's why Finance Minister Monique Jérôme-Forget asked HEC Montreal economist Robert Gagné and two other academics to review it two years before it was due to expire.

The task force made some sensible recommendations that would remove the worst distortions caused by the program. It proposes to maintain tax assistance to businesses in the resource regions until 2015, but on a different basis, replacing tax credits calculated on the basis of the number of jobs with an investment tax credit.

Between 1998 and 2005, productivity growth in the manufacturing sector has averaged 3.5 per cent in urban areas, and only 0.2 per cent in the resource regions. What is needed to bring prosperity to these regions is more investments and not artificial job creation, especially as we enter a period of increasing scarcity of manpower in an aging society. Firms would only get a tax break if they took measures to improve their productivity.

Also, the task force notes that the primary cause of the outlying regions' economic problems is their remoteness from the major urban centres. It proposes to define assistance on this more objective basis instead. The investment tax credits would be made available to small and medium manufacturing firms at a rate of 40 per cent in the most remote zone and at a rate of 20 per cent in the intermediate zone.

Although this is a step in the right direction, there would still remain a number of dividing lines on the map, either side of which two manufacturers of any widget would benefit from different levels of tax subsidies. All such subsidies distort market outcomes, because they treat economic actors differently and create incentives for them to do things they otherwise would not.
If the goal is to promote investment, there is a much simpler way: scrap the capital tax now. This tax, which raises close to $900-million a year, is levied on capital invested by firms. It is one of the taxes most harmful to economic growth. The federal government abolished it last year, and it is slated to disappear in three years in Quebec.

Meanwhile, the government spends over $2.4-billion a year in fiscal aid and direct subsidies to businesses through various programs. A true market-driven approach would be to abolish the capital tax and scale down the various subsidy programs by a corresponding amount. This would reduce opportunities for politicians to take credit for their largesse to specific industries or regions, but it would help all businesses, whatever they do and wherever they are located.

samedi 19 janvier 2008

Une voie pour sortir de la crise

(Paru dans Les Affaires, le 19 janvier 2008, p. 34)

Le gouvernement Harper a annoncé la semaine dernière un Fonds pour le développement communautaire d’un milliard de dollars. La description du Fonds ne mentionne par une seule fois les mots «forêt» et «manufacturier». Normal: le gouvernement veut éviter de fournir des munitions au lobby américain du bois, lequel cherche des preuves que le Canada ou les provinces subventionnent indirectement leur industries. Le Fonds vise plutôt à faciliter la transition des travailleurs dans les collectivités mono-industrielles frappées par les déboires des secteurs forestier et manufacturier vers d’autres types d’emplois, plutôt que le maintien à tout prix des usines et des entreprises en difficulté.

C’est là une bonne approche, qui contraste avec celle adoptée avant Noël par le ministre québécois des Ressources naturelles et de la Faune. Dans son projet de loi 39, Claude Béchard a réduit de 18 à 9 mois le délai à compter duquel il peut attribuer à un autre promoteur le territoire de coupe qui est associé à une usine de transformation du bois ayant fermé. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la politique gouvernementale qui veut que le bois prélevé sur un territoire donné soit transformé dans une usine située sur ce territoire ou à proximité de celui-ci. M. Béchard espère que si un exploitant n’a pas réussi à rentabiliser ses activités sur un territoire, un autre y parviendra.

Or, la consolidation nécessaire de l’industrie forestière, déjà en cours, signifie que certaines usines doivent malheureusement fermer. C’est à ce prix que l’industrie pourra survivre au Québec.

Le bât blesse surtout lorsqu’une fermeture survient dans une ville ou un village qui a été bâti expressément pour exploiter la forêt. La ville perd alors sa raison d’être sur le plan économique. Est-ce qu’une localité mono-industrielle détient une sorte de droit à la pérennité, exerçable aux frais des contribuables ou aux dépens du reste de l’industrie? Je ne crois pas : l’Histoire offre maints exemples où une communauté naît en raison d’une nouvelle activité économique puis disparaît lorsque celle-ci n’est plus rentable.

L’occupation du territoire a été élevée au rang d’une valeur absolue au Québec, à tort selon moi. Plusieurs politiques gouvernementales y concourent, comme l’obligation de transformer localement le bois prélevé.

Mais l’occupation du territoire est d’abord concept géostratégique visant à décourager une invasion étrangère. Qui donc menace d’envahir les régions forestières du Québec?

Plutôt que d’essayer de maintenir en vie toutes les localités mono-industrielles axées sur la forêt, notre régime forestier pourrait viser à maximiser la valeur des forêts publiques. Comment? En rompant le lien traditionnel entre une terre et une usine, ce qui permettrait de créer un véritable marché du bois à l’échelle du Québec. Dans ce modèle, une partie des forêts publiques pourrait faire l’objet d’un nouveau type de contrat, sans lien avec une usine en particulier. Le titulaire, de contrat serait autorisé à vendre le bois en contrepartie d’un loyer annuel et du respect de conditions visant le développement durable des ressources.

En raison des fermetures d’usines, un important marché pourrait être créé, accessible à toute usine au Québec en mesure d’en payer la valeur marchande. Les usines les plus rentables seraient les plus susceptibles de mettre la main sur cet approvisionnement.

jeudi 17 janvier 2008

Ailing forestry sector: a way out of the woods

Paru dans The Gazette, le 17 janvier 2008, p. B-5

Prime Minister Stephen Harper announced last week a Community Development Trust with a budget of $1 billion. The backgrounder describing the trust does not mention once the words "forest" or "manufacturing."

Understandably, the government wants to avoid supplying ammunition to the U.S. lumber lobby, always keen on finding "proof" to the effect that Canada or the provinces indirectly subsidize their industry. Rather, the Trust aims at helping laid-off workers in single-industry towns hit by the downturn in the forest products and manufacturing sectors transition toward other types of jobs. That's better than trying to maintain mills, plants and towns alive on taxpayer-funded life-support.

Harper's is the better approach in contrast with the one taken by Quebec's natural resources minister, Claude Béchard. In his Bill 39, passed just before Christmas, Béchard has reduced the length of time following which he can reallocate to another company cutting rights connected to a wood processing plant that has closed. The period has come down from 18 months to nine months (six months plus a three-month grace period).

Béchard's bill is consistent with traditional government policy under which wood taken from a given area of land must be processed at a mill located in or near the same area. Like his predecessors, Béchard must hope that, if a company has been unable to run its operations in a given area at a profit, another company might succeed.

The much-needed consolidation of the forest industry, already under way, means that some mills - the least profitable among them - must unfortunately close. This is the price of survival for the industry in Quebec.

The pain is all the greater when a shutdown occurs in a town or village built expressly to exploit the forest, as with Lebel-sur-Quévillon. This costs the town its economic raison d'être.
Does a single-industry town have a sort of right to survive forever, at taxpayer or industry expense? I don't believe so. History offers numerous examples of communities born due to new economic activities that disappear when these activities no longer pay.

Opponents of this normal phenomenon sometimes point to the need to occupy as much of Quebec's territory as much as possible. Several public policies contribute to this goal, such as the obligation to process wood near where it is cut.

Territorial occupation has been elevated in Quebec to the rank of a sacred cow - wrongly, in my view. We should recall that this is primarily a geostrategic concept aimed at deterring foreign invasion. But who is threatening to overrun Quebec's forest areas? Do First Nations peoples truly pose a threat to our territorial integrity?

Rather than try to keep every single-industry, forest-based community alive, our forestry system should aim at maximizing the value of our public forests. How?

By breaking the traditional link between land and mill, allowing for creation of a true Quebec-wide market for wood. With this other model, part of the public woodlands could come under a new type of contract, not linked to any specific mill. Holders of such contracts would be authorized to sell wood on a competitive market in exchange for an annual rent and compliance with conditions aimed at sustainable development of wood and wildlife resources.

This new type of contract would lead to development of a forest management industry separate from the woodcutting companies, for which this activity is just a cost to be held down.

This approach would put market forces to work in helping resolve the age-old conflict between wood cutters, hunters, fishermen, campers, vacationers and any other forest users. In attempting to maximize their income, companies holding management contracts would have an interest in meeting economic demand from each user group.

With the closings already announced, a market for millions of cubic metres of wood could be created, accessible to any mill in Quebec able to pay the market price.

The most profitable mills are those that would be most likely to put their hands on this supply.

samedi 1 septembre 2007

L'aide à l'agriculture, une vache sacrée

Paru dans Les Affaires, le 01 septembre 2007, p. 41

La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Québec entreprend cette semaine la dernière étape de ses consultations. Depuis le début de sa tournée, la Commission a reçu les représentations d’une pléthore d’intervenants, les uns lui réclamant de bonifier les programmes existants, les autres lui proposant de nouvelles façons d’aider les filières de l’industrie agroalimentaire.

L’agriculture est l’un des secteurs de l’économie les plus subventionnés, ici et ailleurs. Non seulement les producteurs reçoivent des paiements de transfert importants, mais on doit aussi y ajouter l’aide provenant directement des consommateurs.

Cette dernière ne transite pas par le budget de l’État, car elle se présente sous forme de prix gonflés par des tarifs douaniers ou par des plans de gestion de l’offre. L’OCDE estime qu’un dollar sur cinq des recettes agricoles brutes au Canada provient des politiques de soutien public à l’agriculture.

Curieusement, on ne questionne pas souvent le bien fondé de cette manne. Pourquoi, en effet, les producteurs agricoles devraient-ils pouvoir compter sur l’aide des contribuables plus que les manufacturiers ou les détaillants?

L’assurance stabilisation des revenus agricoles, dont une partie des primes est payée par les contribuables, est une autre forme d’aide aux producteurs. On la justifie par le caractère cyclique du secteur. Pourtant nombre d’autres industries, comme les mines ou l’immobilier, font face à des risques cycliques sans que l’État n’intervienne. Pourquoi le fait-il en agriculture?

Selon un autre argument fréquemment entendu, les aides aux producteurs visent à maintenir en vie les petites fermes familiales. En réalité, l’aide permet aux exploitations les moins efficaces de survivre. Sans cette aide, leurs terres se verraient graduellement annexées à des exploitations plus grandes.

Et alors? De 2001 à 2006, le nombre de fermes a diminué de 7% à l’échelle canadienne. Mais leur taille moyenne a cru de près de 8%, de sorte que la superficie agricole totale du Canada est demeurée quasiment stable.

En 1901, le secteur agricole employait plus de 40% de la main-d’oeuvre canadienne; aujourd’hui, c’est 2%. Qui voudrait revenir en arrière? Qui plus est, il appert que le degré d’urbanisation est source de prospérité. Selon une étude de l’Institute for Competitiveness and Prosperity, l’écart entre les taux d’urbanisation au Québec et aux États-Unis expliquerait le quart (3500 $) de la différence dans les PIB per capita (13 700 $) de ces deux pays. Pourquoi faudrait-il contrecarrer ce mouvement d’urbanisation séculaire?

L’argument de l’autosuffisance alimentaire, soulevé au Québec notamment dans le cas du porc par l’ancien ministre Jean Garon, est fondé sur des considérations stratégiques. C’est un argument analogue qui a expliqué, dans le passé, la réticence de certains dirigeants américains à devenir trop dépendants des importations d’hydroélectricité québécoise.

Leur insécurité énergétique est le miroir de la nôtre en matière alimentaire. Mais les échanges commerciaux volumineux entre pays interdépendants ne sont-ils pas le plus sûr garant de la paix et de la bonne entente?

Espérons que dans ses délibérations, avant de proposer de nouvelles façons d’accroitre l’aide publique à l’agriculture, la Commission se demandera si les raisons qui l’ont originellement motivée sont encore valides.