Le texte suivant est tiré de l'Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, publié par le gouvernement du Québec en décembre 1990. Monique Gagnon-Tremblay, qui était alors ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, a été l'instigatrice de ce "contrat moral". Marie McAndrew, Smaïl Bouïkni, Nicole Brodeur et moi en ont été les rédacteurs. Dans le contexte du débat sur les accomodements raisonnables, il conserve toute sa pertinence.
"Comme il vient d’en témoigner, le Gouvernement est convaincu que l’immigration est un facteur nécessaire et un atout pour relever les grands défis démographique, économique, linguistique et socioculturel que doit relever le Québec à l’aube des années quatre-vingt-dix.
Il est cependant tout aussi conscient que l’apport de l’immigration à l’atteinte de ces objectifs, le succès du projet migratoire de chaque individu de même que le maintien de rapports harmonieux entre les Québécois de toutes origines dépendent du degré d’intégration et de participation des immigrants et de leurs descendants à la société québécoise. C’est pourquoi les deux volets de la présente politique — l’immigration et l’intégration — doivent être considérés comme indissociables.
De plus, étant donné que l’immigration constitue un privilège qu’accorde la société d’accueil, il est légitime qu’elle fasse connaître ses attentes aux immigrants, si possible dès l’amorce du projet migratoire, afin que ceux-ci apprennent graduellement à les partager. De même, la société québécoise doit-elle prendre davantage conscience des obligations que lui impose son propre projet démocratique à l’égard des citoyens de toutes origines qui la composent.
Le Gouvernement considère donc essentiel de rappeler les principes en fonction desquels nous, les Québécois de toutes origines, avons à bâtir ensemble le Québec de demain. Ces principes, qui orientent l’ensemble de la politique d’intégration et les mesures qui en découlent, reposent sur les choix de société caractérisant le Québec moderne. Ce sont les suivants :
• une société dont le français est la langue commune de la vie publique;
• une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées;
• une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l’échange intercommunautaire.
UNE SOCIÉTÉ DONT LE FRANÇAIS EST LA LANGUE COMMUNE DE LA VIE PUBLIQUE
Depuis le début de la révolution tranquille, l’action en matière linguistique des gouvernements qui se sont succédé au Québec se fonde sur le principe suivant : faire du français la langue commune de la vie publique grâce à laquelle les Québécois de toutes origines pourront communiquer entre eux et participer au développement de la société québécoise.
La Charte de la langue française l’affirme solennellement : « Langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d’exprimer son identité. » Elle doit donc être « la langue de l’État et de la Loi, aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, du Gouvernement, des communications, du commerce et des affaires ».
C’est pourquoi, aux yeux du Gouvernement comme de ceux de la vaste majorité du peuple québécois, l’apprentissage du français et son adoption comme langue commune de la vie publique constituent des conditions nécessaires à l’intégration. En effet, la langue est non seulement l’instrument essentiel qui permet la participation, la communication et l’interaction avec les autres Québécois, mais elle est également un symbole d’identification. Pour l’immigrant, l’apprentissage du français vient appuyer le développement de son sentiment d’appartenance à la communauté québécoise. Parmi les membres de la société d’accueil, le partage d’une langue commune avec les immigrants facilite l’ouverture à l’altérité.
De plus, l’affirmation sans ambiguïté de la collectivité francophone et de ses institutions comme pôle d’intégration des nouveaux arrivants représente une nécessité incontournable pour assurer la pérennité du fait français au Québec et une des balises à l’intérieur desquelles doit s’inscrire la reconnaissance du pluralisme dans notre société. La communauté d’accueil s’attend donc que les immigrants et leurs descendants s’ouvrent au fait français, consentent les efforts nécessaires à l’apprentissage de la langue officielle du Québec et acquièrent graduellement un sentiment d’engagement à l’égard de son développement.
En contrepartie, le Gouvernement reconnaît que si l’intégration linguistique repose d’abord sur l’offre de services adéquats, elle est aussi fonction d’un effort concerté de promotion de l’usage du français, d’ouverture de la société d’accueil et de développement de relations intercommunautaires harmonieuses. Ce n’est qu’à ces conditions que la langue française peut devenir un patrimoine commun à tous les Québécois.
Cette valorisation du français comme langue officielle et langue de la vie publique n’implique toutefois pas qu’on doive confondre maîtrise d’une langue commune et assimilation linguistique. En effet, le Québec, en tant que société démocratique, respecte le droit des individus d’adopter la langue de leur choix dans les communications à caractère privé. De plus, il considère que le développement des langues d’origine constitue un atout économique, social et culturel pour l’ensemble de la population québécoise.
UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE OÙ LA PARTICIPATION ET LA CONTRIBUTION DE TOUS SONT ATTENDUES ET FAVORISÉES
Comme toutes les sociétés modernes, le Québec a besoin de la participation de l’ensemble de sa population à la vie économique, sociale, culturelle et politique pour se développer pleinement.
De plus, en vertu de l’idéal démocratique, le Québec attache la plus haute importance aux valeurs d’égalité des chances et de justice sociale. En effet, en favorisant un accès équitable aux ressources, services et instances décisionnelles, notre société veut permettre à tous les citoyens du Québec d’apporter leur pleine contribution à son développement.
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la plus ancienne au Canada, et la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales affirment d’ailleurs cet engagement du Québec en faveur de l’égalité et son rejet de la discrimination: « Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. »
« L’Assemblée nationale, par la voix unanime de tous ses membres, reconnaît le principe d’égalité en valeur et en dignité de tout être humain; » et « condamne sans réserve le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes.»
Le contrat social démocratique implique la pleine contribution et la pleine participation des immigrants et de leurs descendants à la vie nationale. Leur degré de participation aux divers volets de la société constitue donc le principal indicateur de leur degré d’intégration.
C’est pourquoi la société d’accueil est en droit de s’attendre que les nouveaux arrivants fassent les efforts nécessaires pour s’engager graduellement dans la vie économique, sociale, culturelle et politique du Québec, dans la mesure de leurs capacités et en fonction de leurs talents et de leurs intérêts.
Par contre, si l’immigrant a décidé de vivre une expérience somme toute difficile de éracinement, c’est la plupart du temps en vue de maximiser ses chances de mobilité sociale et dans le but d’avoir accès à divers avantages. Avantages non seulement matériels, mais souvent d’un autre ordre — liberté, démocratie —, dont il ne bénéficiait pas toujours dans sa société d’origine. Ainsi à la recherche d’une vie meilleure, il peut donc s’attendre que la société d’accueil lui fournisse un soutien socio-économique lors de sa première insertion et l’appuie lorsque lui ou ses descendants se heurtent à des barrières institutionnelles ou sociétales qui les empêchent d’avoir un égal accès à l’emploi, au logement et à divers services publics ou privés. De plus, il est également en droit de s’attendre que la collectivité d’accueil lui permette, comme à l’ensemble des Québécois, de participer à la définition des grandes orientations de notre société.
UNE SOCIÉTÉ PLURALISTE OUVERTE AUX APPORTS MULTIPLES DANS LES LIMITES QU’IMPOSENT LE RESPECT DES VALEURS DÉMOCRATIQUES FONDAMENTALES ET LA NÉCESSITÉ DE L’ÉCHANGE INTERCOMMUNAUTAIRE
À l’opposé de la société québécoise traditionnelle qui valorisait le partage d’un modèle culturel et idéologique uniforme par tous les Québécois, le Québec moderne s’est voulu, depuis plus de trente ans, résolument pluraliste. La possibilité de choisir librement leur style de vie, leurs opinions, leurs valeurs et leur appartenance à des groupes d’intérêts particuliers, à l’intérieur des limites définies par le cadre juridique, constitue d’ailleurs un des acquis de la révolution tranquille auquel l’ensemble des citoyens sont le plus attachés.
La culture québécoise est ainsi une culture dynamique qui, tout en s’inscrivant dans le prolongement de l’héritage du Québec, se veut continuellement en mutation et ouverte aux différents apports.
La Charte des droits affirme, de plus, que « les personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe. » Le soutien que leur a consenti le Québec à cet égard, et ce, depuis plusieurs années, témoigne de son engagement en faveur du pluralisme.
La position québécoise sur les relations interculturelles vise toutefois à éviter des situations extrêmes où différents groupes maintiendraient intégralement et rigidement leur culture et leurs traditions d’origine et coexisteraient dans l’ignorance réciproque et l’isolement.
D’une part, en effet, l’ensemble de notre population attache la plus grande importance au respect par tous les Québécois des valeurs démocratiques définies par la Charte, notamment celles relatives à l’égalité des sexes, au statut des enfants et au rejet de toute discrimination basée sur l’origine ethnique ou raciale. Ces valeurs constituent les conditions qui assurent que l’épanouissement de la diversité dans notre société se fasse dans le respect du droit des personnes.
D’autre part, la réussite même du processus d’intégration exige que les nouveaux arrivants et les Québécois de toutes origines s’ouvrent à l’échange intercommunautaire et reconnaissent que toutes les cultures sont susceptibles d’être enrichies par le partage. De plus, il est souhaitable que tous développent graduellement un sentiment d’allégeance à la société québécoise qui tanscende les appartenances héritées du passé. La collectivité d’accueil est donc en droit de s’attendre que les immigrants, comme l’ensemble des citoyens, respectent les lois et les valeurs qui la gouvernent et s’enracinent en terre québécoise en apprenant à connaître et à comprendre leur nouvelle société, son histoire et sa culture. De plus, les Québécois de toutes origines doivent contribuer, dans la mesure de leurs capacités, à l’enrichissement culturel de l’ensemble de la population et au développement de relations intercommunautaires harmonieuses.
En contrepartie, la collectivité d’accueil doit clairement manifester son appréciation de l’apport de ses nouveaux membres et des Québécois des communautés culturelles. Elle doit donc leur reconnaître, dans les mêmes limites qu’à tous les Québécois, le droit de vivre selon leurs valeurs personnelles et de contribuer à l’évolution de la culture québécoise. En pratique, le gouvernement se reconnaît le rôle de promouvoir des attitudes favorables à l’immigration et à la diversité dans l’ensemble de la population, de favoriser une plus grande reconnaissance de la réalité pluraliste et de soutenir le rapprochement intercommunautaire.
Chacun des trois volets de ce contrat moral comprend des droits et des responsabilités, tant pour les immigrants que pour la société d’accueil. Le parallélisme est volontaire, car il met en relief un principe fondamental : l’intégration réussie se joue à deux.
Le Gouvernement fera connaître les conditions de ce contrat moral aux candidats à l’immigration et aux Québécois. Les candidats seront ainsi plus en mesure de faire un choix éclairé entre le Québec et d’autres sociétés d’accueil. Les Québécois seront, eux, mieux informés des droits et des responsabilités découlant des choix qu’ils ont euxmêmes consacrés, librement et fièrement, comme des valeurs fondamentales.
samedi 30 décembre 2006
jeudi 21 décembre 2006
Quatre façons de dépenser
(Paru dans Les Affaires, le 21 décembre 2006, p. 12)
Le Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, révélait la semaine dernière une série de dépenses injustifiées effectuées par les dirigeants de la Société nationale du cheval de course (SONACC), y compris des dîners somptueux. Cet autre dérapage au sein d’une société d’État, après celui à la Société des alcools du Québec (SAQ), illustre de façon spectaculaire le propos du prix Nobel d’Économie, Milton Friedman, décédé le mois dernier. Friedman avait, non sans humour, déterminé quatre manières de dépenser, incitant les gens à «regarder à la dépense» différemment.
1. Investir son propre argent pour son propre bien-être, en veillant à en obtenir le plus possible pour son argent.
2. Dépenser pour le bénéfice d’autrui, comme lorsqu’on offre un cadeau à quelqu’un. Ici, nous nous préoccupons d’habitude du coût du cadeau, mais pas nécessairement du degré de satisfaction qu’il va occasionner.
3. Se servir de l’argent des autres pour son propre bien-être. Dans ce cas, il est possible que l’on se traite aux petits oignons.
4. Enfin, dépenser l’argent des autres au bénéfice d’autrui. Et dans ce cas, nous nous soucions peu du coût et du niveau de bien-être procuré. C’est le cas des gouvernements.
Les dérapages à la SONACC et à la SAQ correspondent au troisième cas. Mais que dire des dirigeants politiques qui ont été responsables de ces deux sociétés d’État? Ils relèvent du quatrième cas!
Ainsi, l’ancien ministre des Finances, Bernard Landry, dont relevait la SONACC, et le ministre actuel, Michel Audet, responsable de la SAQ, ont nié avoir été au courant des dérapages dans ces sociétés État.
Selon Friedman, il y a lieu de les croire! Ces dérapages permettent en effet d’apprécier la difficulté pour les dirigeants de l’État de veiller à la saine utilisation des fonds publics. On a beau multiplier les contrôles, il reste que ce sont des gens qui dépensent l’argent des autres au bénéfice d’autrui – et parfois pour leur propre bien-être.
Comment aller au fond du problème pour éviter les de tels dérapages? En réformant l’État de manière à rapprocher le plus possible celui qui profite d’une dépense de celui qui la gère, et même de celui qui la finance.
Ainsi le gouvernement pourrait financer la consommation de services jugés d’intérêt public plutôt que leur fourniture. Par exemple, il pourrait s’en tenir à aider les locataires à faible revenu à trouver un logement sur le marché locatif privé plutôt que de fournir lui-même des habitations à loyer modique; aider les parents plutôt que de subventionner les garderies; aider les personnes âgées en perte d’autonomie plutôt que de subventionner les centres d’hébergement. Dans ces cas, et dans plusieurs autres, les consommateurs auraient un intérêt direct à identifier le fournisseur offrant le meilleur rapport qualité-prix.
Du coté de l’offre, il y aura des surcoûts tant que des organismes publics détiendront des monopoles et tant que leur survie sera fonction de leur ingéniosité à obtenir des budgets publics plutôt qu’à servir leur clientèle. C’est par la mise en concurrence des fournisseurs de services, avec la pression constante sur les coûts qu’elle entraîne, que ceux-ci seront incités à améliorer leur efficacité et à éviter les abus.
Le Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, révélait la semaine dernière une série de dépenses injustifiées effectuées par les dirigeants de la Société nationale du cheval de course (SONACC), y compris des dîners somptueux. Cet autre dérapage au sein d’une société d’État, après celui à la Société des alcools du Québec (SAQ), illustre de façon spectaculaire le propos du prix Nobel d’Économie, Milton Friedman, décédé le mois dernier. Friedman avait, non sans humour, déterminé quatre manières de dépenser, incitant les gens à «regarder à la dépense» différemment.
1. Investir son propre argent pour son propre bien-être, en veillant à en obtenir le plus possible pour son argent.
2. Dépenser pour le bénéfice d’autrui, comme lorsqu’on offre un cadeau à quelqu’un. Ici, nous nous préoccupons d’habitude du coût du cadeau, mais pas nécessairement du degré de satisfaction qu’il va occasionner.
3. Se servir de l’argent des autres pour son propre bien-être. Dans ce cas, il est possible que l’on se traite aux petits oignons.
4. Enfin, dépenser l’argent des autres au bénéfice d’autrui. Et dans ce cas, nous nous soucions peu du coût et du niveau de bien-être procuré. C’est le cas des gouvernements.
Les dérapages à la SONACC et à la SAQ correspondent au troisième cas. Mais que dire des dirigeants politiques qui ont été responsables de ces deux sociétés d’État? Ils relèvent du quatrième cas!
Ainsi, l’ancien ministre des Finances, Bernard Landry, dont relevait la SONACC, et le ministre actuel, Michel Audet, responsable de la SAQ, ont nié avoir été au courant des dérapages dans ces sociétés État.
Selon Friedman, il y a lieu de les croire! Ces dérapages permettent en effet d’apprécier la difficulté pour les dirigeants de l’État de veiller à la saine utilisation des fonds publics. On a beau multiplier les contrôles, il reste que ce sont des gens qui dépensent l’argent des autres au bénéfice d’autrui – et parfois pour leur propre bien-être.
Comment aller au fond du problème pour éviter les de tels dérapages? En réformant l’État de manière à rapprocher le plus possible celui qui profite d’une dépense de celui qui la gère, et même de celui qui la finance.
Ainsi le gouvernement pourrait financer la consommation de services jugés d’intérêt public plutôt que leur fourniture. Par exemple, il pourrait s’en tenir à aider les locataires à faible revenu à trouver un logement sur le marché locatif privé plutôt que de fournir lui-même des habitations à loyer modique; aider les parents plutôt que de subventionner les garderies; aider les personnes âgées en perte d’autonomie plutôt que de subventionner les centres d’hébergement. Dans ces cas, et dans plusieurs autres, les consommateurs auraient un intérêt direct à identifier le fournisseur offrant le meilleur rapport qualité-prix.
Du coté de l’offre, il y aura des surcoûts tant que des organismes publics détiendront des monopoles et tant que leur survie sera fonction de leur ingéniosité à obtenir des budgets publics plutôt qu’à servir leur clientèle. C’est par la mise en concurrence des fournisseurs de services, avec la pression constante sur les coûts qu’elle entraîne, que ceux-ci seront incités à améliorer leur efficacité et à éviter les abus.
samedi 2 décembre 2006
Les marchands d'illusions
(Paru dans Les Affaires, le 02 décembre 2006, p. 14)
On peut carburer sur des illusions pendant un certain temps, mais pas indéfiniment. La réalité finit toujours par nous rattraper.
Ainsi, le gouvernement conservateur a dû avouer ce que tout le monde savait déjà, soit que le Canada est incapable d'atteindre les objectifs qu'avait fixés le précédent gouvernement libéral en ratifiant le protocole de Kyoto en 2002.
Jusqu'à ce réveil inopiné, tout baignait: sous l'effet lénifiant des discours officiels et des plans d'action tous plus vertueux, nous vivions depuis neuf ans dans l'illusion tranquille que nous faisions notre effort pour «sauver la planète», en dépit des chiffres qui montraient une croissance inexorable des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour atteindre les objectifs du traité, il aurait fallu des moyens bien plus considérables que ceux prévus par l'ancien gouvernement libéral, et surtout, commencer bien plus tôt.
En Ontario, les centrales électriques alimentées au charbon fournissent le cinquième de l'énergie produite dans la province. Avant d'être élu en 2003, le premier ministre Dalton McGuinty avait promis de fermer ces sources de polluants atmosphériques au plus tard en 2007.
Pour réaliser ce projet pharaonique, son gouvernement aurait dû prendre une pléthore de mesures dès son arrivée au pouvoir, dont la mise en chantier de nouvelles centrales moins polluantes. Devant l'ampleur et la complexité de ces projets, M. McGuinty vient de reporter cette échéance en 2014.
Mais ce décalage entre l'ambition des objectifs et la modestie des moyens mis en oeuvre est loin d'être l'apanage des questions environnementales. Par exemple, l'ancien gouvernement du Parti québécois avait annoncé un plan de réduction de la taxe sur le capital: elle devait diminuer de 0,64% en 2002, à 0,375% en 2006, donc au-delà de la limite de son mandat. Or, le gouvernement actuel de Jean Charest, invoquant la précarité des finances publiques, a tôt fait d'en reporter l'échéancier, de sorte que le taux de cette taxe est encore à 0,525%.
Au fédéral, le ministre des Finances Jim Flaherty a poussé cette tactique d'un cran. Dans son budget de mai 2006, il annonçait que le taux d'imposition général des sociétés serait réduit à compter du 1er janvier 2008, donc 19 mois suivant l'annonce. Une éternité en politique, surtout pour un gouvernement minoritaire.
Comment expliquer ces nombreux écarts entre l'ambition des objectifs à long terme et la modestie des moyens mises en oeuvre à court terme pour les atteindre?
Ces écarts permettent aux gouvernements à la fois de donner espoir au groupe d'intérêts auquel la promesse est destinée, et de respecter la contrainte du réel.
Mais compte tenu des nombreux exemples où les gouvernements ont dû admettre que des objectifs à long terme établis antérieurement étaient inatteignables, pourquoi persistent-ils à en fixer? C'est que cette tactique reste efficace du point de vue politique.
Plusieurs continuent de croire que les gouvernements travailleront à atteindre des objectifs dont ils ne seront pas redevables, parce qu'ils sont situés au-delà de l'horizon électoral. Au fond, c'est à nous, électeurs, de changer notre façon de lire les plans gouvernementaux. La prochaine fois qu'un ministre nous promettra mer et monde pour dans 10 ans, ne retenons que ce qu'il s'engage à faire d'ici la fin de son mandat.
On peut carburer sur des illusions pendant un certain temps, mais pas indéfiniment. La réalité finit toujours par nous rattraper.
Ainsi, le gouvernement conservateur a dû avouer ce que tout le monde savait déjà, soit que le Canada est incapable d'atteindre les objectifs qu'avait fixés le précédent gouvernement libéral en ratifiant le protocole de Kyoto en 2002.
Jusqu'à ce réveil inopiné, tout baignait: sous l'effet lénifiant des discours officiels et des plans d'action tous plus vertueux, nous vivions depuis neuf ans dans l'illusion tranquille que nous faisions notre effort pour «sauver la planète», en dépit des chiffres qui montraient une croissance inexorable des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour atteindre les objectifs du traité, il aurait fallu des moyens bien plus considérables que ceux prévus par l'ancien gouvernement libéral, et surtout, commencer bien plus tôt.
En Ontario, les centrales électriques alimentées au charbon fournissent le cinquième de l'énergie produite dans la province. Avant d'être élu en 2003, le premier ministre Dalton McGuinty avait promis de fermer ces sources de polluants atmosphériques au plus tard en 2007.
Pour réaliser ce projet pharaonique, son gouvernement aurait dû prendre une pléthore de mesures dès son arrivée au pouvoir, dont la mise en chantier de nouvelles centrales moins polluantes. Devant l'ampleur et la complexité de ces projets, M. McGuinty vient de reporter cette échéance en 2014.
Mais ce décalage entre l'ambition des objectifs et la modestie des moyens mis en oeuvre est loin d'être l'apanage des questions environnementales. Par exemple, l'ancien gouvernement du Parti québécois avait annoncé un plan de réduction de la taxe sur le capital: elle devait diminuer de 0,64% en 2002, à 0,375% en 2006, donc au-delà de la limite de son mandat. Or, le gouvernement actuel de Jean Charest, invoquant la précarité des finances publiques, a tôt fait d'en reporter l'échéancier, de sorte que le taux de cette taxe est encore à 0,525%.
Au fédéral, le ministre des Finances Jim Flaherty a poussé cette tactique d'un cran. Dans son budget de mai 2006, il annonçait que le taux d'imposition général des sociétés serait réduit à compter du 1er janvier 2008, donc 19 mois suivant l'annonce. Une éternité en politique, surtout pour un gouvernement minoritaire.
Comment expliquer ces nombreux écarts entre l'ambition des objectifs à long terme et la modestie des moyens mises en oeuvre à court terme pour les atteindre?
Ces écarts permettent aux gouvernements à la fois de donner espoir au groupe d'intérêts auquel la promesse est destinée, et de respecter la contrainte du réel.
Mais compte tenu des nombreux exemples où les gouvernements ont dû admettre que des objectifs à long terme établis antérieurement étaient inatteignables, pourquoi persistent-ils à en fixer? C'est que cette tactique reste efficace du point de vue politique.
Plusieurs continuent de croire que les gouvernements travailleront à atteindre des objectifs dont ils ne seront pas redevables, parce qu'ils sont situés au-delà de l'horizon électoral. Au fond, c'est à nous, électeurs, de changer notre façon de lire les plans gouvernementaux. La prochaine fois qu'un ministre nous promettra mer et monde pour dans 10 ans, ne retenons que ce qu'il s'engage à faire d'ici la fin de son mandat.
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