(Paru dans Les Affaires, le 28 juin 2008, p. 21)
Les industries du transport aérien et du taxi ont réagi bien différemment ces dernières semaines au choc pétrolier qui fait bondir le prix de leur carburant respectif, le kérosène et l’essence. Et pour cause: chacune évolue dans son propre environnement réglementaire.
Air Canada, par exemple, a commencé par facturer à ses passagers différents frais de carburant. Et la direction a récemment vient d’annoncer une réduction de 7% de son offre de sièges, surtout sur les liaisons moins rentables, ainsi que 2000 mises à pied concomitantes. L’entreprise a réagi de façon drastique pour préserver sa rentabilité alors que le carburant représente son principal poste de dépense.
Le taxi est aussi une industrie fortement touchée par le choc pétrolier, mais ici les choses se passent autrement. La semaine dernière, des chauffeurs ont manifesté leur désarroi devant l’Assemblée nationale. On les comprend: ils doivent absorber la hausse du prix de l’essence à même leurs recettes brutes, car ils ne peuvent augmenter leurs tarifs, ceux-ci étant fixés par règlement. Leur seule issue est donc de réclamer au gouvernement une telle augmentation.
Réagissant à leurs doléances, le chef de l’opposition officielle, Mario Dumont, a proposé une hausse immédiate des tarifs ainsi que des crédits d’impôt pour l’achat de véhicules hybrides. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, s’est montrée réticente à accorder une aide ponctuelle à cette industrie, la Commission des transports ayant accepté de tenir une audience sur la révision des tarifs au mois d’août. Que voulez-vous, c’est le rythme de la machine bureaucratique. D’ici là, les chauffeurs n’ont qu’à vivre d’espoir et d’eau fraîche!
Bien qu’on puisse compatir aux déboires des chauffeurs, il faut dire qu’ils goûtent maintenant aux fruits amers de la réglementation dont ils profitent en temps normal. Comme ailleurs dans le monde, les propriétaires et chauffeurs de taxi ont obtenu des autorités publiques des mesures protectionnistes avantageant les acteurs en place. Ainsi, l’État restreint la concurrence en fixant les tarifs exigibles et en limitant l’arrivée de nouveau taxi.
L’industrie du taxi appuie la réglementation quand celle-ci empêche des entreprises plus efficaces de diminuer les prix. Mais elle rouspète quand cela empêche l’augmentation des prix pour couvrir les coûts.
Voilà un scénario classique qui survient lorsqu’on tripatouille dans l’offre et la demande d’un bien ou d’un service: les effets pervers de l’intervention originelle doivent être corrigés par de nouvelles interventions, qui engendrent elles-mêmes leur lot de problèmes. Dans ce cas-ci, en adoptant un système de permis à nombre restreint, dont le prix avoisine les 230 000 $, on a artificiellement haussé le coût d’exploitation d’un taxi. Ce qui amène les instances publiques à fixer des tarifs assez élevés afin que les propriétaires rentabilisent leur investissement. Cependant, des tarifs trop élevés font fuir la clientèle et les chauffeurs doivent rester sur la route de longues heures pour en trouver suffisamment.
Mais vous, chers lecteurs, quelle que soit votre industrie, que préfériez-vous si vous étiez confrontés à un bond du coût d’un intrant majeur: décider d’augmenter vos prix, avec les risques que cela comporte, ou subir le sentiment d’impuissance dans lequel vous placerait l’attente d’une décision administrative?
samedi 28 juin 2008
samedi 7 juin 2008
Il faut libérer l’agriculture canadienne
(Paru dans Les Affaires, le 07 juin 2008, p. 36)
Imaginez que vous êtes un producteur de machins. Un machin essentiel à la survie de l’espèce humaine. Votre industrie est vieillissante au Canada et vous cherchez une façon de relancer votre entreprise. Or, le prix du machin explose sur les marchés mondiaux et vous flairez l’occasion pour accroître votre production en exportant. Mais vous êtes dans une industrie hyper réglementée dans laquelle un cartel vous dicte la quantité que vous avez le droit de produire et le prix que vous pouvez demandez. Résultat: vous ne pouvez vendre plus – et des milliers de clients dans le monde subissent les contrecoups de la flambée des prix.
On a peine à croire qu’une telle situation puisse exister dans une économie relativement libre comme la nôtre. Or, c’est bien sous ce joug que vivent les producteurs de lait, d’œufs et de volaille, les secteurs agricoles assujettis à la gestion de l’offre au Canada.
Le 3 juin, la conférence de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture s’est ouverte à Rome. On y a cherché des solutions à la flambée des prix de plusieurs denrées de base. Pendant ce temps, ici, la coalition GO5, qui regroupe les principaux lobbies agricoles, livre un combat d’arrière garde pour préserver un système qui limite, par le truchement de quotas, les exportations des producteurs canadiens, les empêchant de contribuer à l’accroissement de l’offre à l’échelle mondiale.
Ce système a été mis en place pour protéger les producteurs canadiens de la concurrence étrangère, notamment américaine. On sait que les contribuables aux États-Unis et dans les pays européens subventionnement leur agriculture à tour de bras. Au Canada, ce ne sont pas les contribuables, mais les consommateurs qui subventionnent les producteurs, agricoles par le biais de tarifs douaniers à l’importation de l’ordre de 200 à 300% conçus pour maintenir des prix intérieurs supérieurs à ce qu’ils seraient autrement.
Cette «place forte» protectionniste, pour reprendre l’expression du rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, a été érigée avant l’accroissement de la demande en provenance de la Chine et l’Inde et avant la flambée du prix du pétrole qui joue en faveur des producteurs agricoles locaux aux dépens des importations. Voilà deux facteurs qui expliquent pourquoi les prix des produits agricoles devraient se maintenir, au cours des dix prochaines années, au-dessus de leur valeur moyenne de la décennie passée, selon l’OCDE.
Le monde a une énorme capacité de production de nourriture en réserve pour dénouer la crise alimentaire mondiale. Mais ce potentiel a été bridé depuis trop longtemps par le protectionnisme agricole dans les économies développées. Le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a déclaré que «face à une augmentation des prix des produits alimentaires, la solution n’est pas le protectionnisme mais l’ouverture des marchés agricoles et la libération de la capacité productive des agriculteurs qui ont su, à plusieurs reprises, répondre aux incitations du marché».
Les prix agricoles élevés à l’échelle mondiale et la conclusion prochaine du cycle de négociations de Doha représentent une occasion en or pour remettre en question notre attirail protectionniste. Un système de prix librement établis doit primer dans l'agriculture mondiale pour que l'offre rejoigne la demande.
Imaginez que vous êtes un producteur de machins. Un machin essentiel à la survie de l’espèce humaine. Votre industrie est vieillissante au Canada et vous cherchez une façon de relancer votre entreprise. Or, le prix du machin explose sur les marchés mondiaux et vous flairez l’occasion pour accroître votre production en exportant. Mais vous êtes dans une industrie hyper réglementée dans laquelle un cartel vous dicte la quantité que vous avez le droit de produire et le prix que vous pouvez demandez. Résultat: vous ne pouvez vendre plus – et des milliers de clients dans le monde subissent les contrecoups de la flambée des prix.
On a peine à croire qu’une telle situation puisse exister dans une économie relativement libre comme la nôtre. Or, c’est bien sous ce joug que vivent les producteurs de lait, d’œufs et de volaille, les secteurs agricoles assujettis à la gestion de l’offre au Canada.
Le 3 juin, la conférence de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture s’est ouverte à Rome. On y a cherché des solutions à la flambée des prix de plusieurs denrées de base. Pendant ce temps, ici, la coalition GO5, qui regroupe les principaux lobbies agricoles, livre un combat d’arrière garde pour préserver un système qui limite, par le truchement de quotas, les exportations des producteurs canadiens, les empêchant de contribuer à l’accroissement de l’offre à l’échelle mondiale.
Ce système a été mis en place pour protéger les producteurs canadiens de la concurrence étrangère, notamment américaine. On sait que les contribuables aux États-Unis et dans les pays européens subventionnement leur agriculture à tour de bras. Au Canada, ce ne sont pas les contribuables, mais les consommateurs qui subventionnent les producteurs, agricoles par le biais de tarifs douaniers à l’importation de l’ordre de 200 à 300% conçus pour maintenir des prix intérieurs supérieurs à ce qu’ils seraient autrement.
Cette «place forte» protectionniste, pour reprendre l’expression du rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, a été érigée avant l’accroissement de la demande en provenance de la Chine et l’Inde et avant la flambée du prix du pétrole qui joue en faveur des producteurs agricoles locaux aux dépens des importations. Voilà deux facteurs qui expliquent pourquoi les prix des produits agricoles devraient se maintenir, au cours des dix prochaines années, au-dessus de leur valeur moyenne de la décennie passée, selon l’OCDE.
Le monde a une énorme capacité de production de nourriture en réserve pour dénouer la crise alimentaire mondiale. Mais ce potentiel a été bridé depuis trop longtemps par le protectionnisme agricole dans les économies développées. Le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a déclaré que «face à une augmentation des prix des produits alimentaires, la solution n’est pas le protectionnisme mais l’ouverture des marchés agricoles et la libération de la capacité productive des agriculteurs qui ont su, à plusieurs reprises, répondre aux incitations du marché».
Les prix agricoles élevés à l’échelle mondiale et la conclusion prochaine du cycle de négociations de Doha représentent une occasion en or pour remettre en question notre attirail protectionniste. Un système de prix librement établis doit primer dans l'agriculture mondiale pour que l'offre rejoigne la demande.
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