Paru dans Les Affaires, le 28 avril 2007, p. 16.
Peut-on imaginer le Québec et l’Ontario surmontant leurs barrières culturelles et leurs forces corporatistes respectives pour réussir à créer un grand marché intérieur ouvert, source d’échanges accrus et de prospérité?
Cela pourrait passer pour une utopie, mais c’est pourtant ce que la Colombie-Britannique et l’Alberta, pourtant bien différentes, ont réussi. Elles ont concluent un Accord sur le commerce, l’investissement et la mobilité de la main-d’oeuvre (Trade, Investment and Labour Mobility Agreement, appelé TILMA).
L’accord TILMA, entré en vigueur au début d’avril, vise à supprimer les différences dans les normes et la réglementation, le dédoublement de frais et des exigences imposées aux entreprises en termes d’information. Il s’applique à toute mesure qui restreint le commerce entre les parties et qui n’est pas essentielle pour protéger les consommateurs, la sécurité et la santé publique ou l’environnement.
L’accord est fondé sur le principe de la «reconnaissance mutuelle» pour régler les questions liées aux métiers et aux professions réglementés, aux normes et à la réglementation s’appliquant aux marchandises, et à l’investissement.
La Colombie-Britannique et l’Alberta ont fait le pari qu’en créant une zone économique unique, elles seraient mieux à même de concurrencer les deux économies les plus importantes du pays, celles de l’Ontario et du Québec.
Le Québec et l’Ontario pourraient-elles s’inspirer de cet exemple? Ces deux provinces sont, l’un et l’autre, le plus important partenaire commercial intérieur. En 2003, le Québec a vendu pour près de 31 milliards de dollars (G$) de biens et services à l’Ontario, tandis que cette dernière a vendu pour 38 G$ au Québec. Pour le Québec, cela représente 62% de ses exportations intérieures; pour l’Ontario, 41%. Le commerce interprovincial entre l’Ontario et le Québec compte pour 28% de tout le commerce intérieur au Canada. De toute évidence, les économies de l’Ontario et du Québec sont inséparables.
Le commerce international s’est développé plus rapidement que le commerce intérieur depuis 1991. Mais cette situation s’est inversée au cours des dernières années. Les deux provinces doivent certes continuer à optimiser leur commerce extérieur, mais il est clair qu’elles devraient aussi chercher à profiter pleinement de leurs échanges intérieurs pour améliorer l’efficacité de leur économie.
À l’été 2006, le Québec et l’Ontario ont énoncé leur volonté de parvenir à une entente sur les restrictions qui empêchent les entreprises et les travailleurs de la construction ontariens d’obtenir du travail ou de participer à des chantiers au Québec. Il s’agit d’un vieux contentieux dans lequel c’est l’Ontario qui est en demande, puisqu’il n’existe aucune restriction imposée aux compagnies et aux travailleurs de la construction québécois qui souhaitent travailler ou répondre à des appels d’offres pour des contrats en Ontario.
Peut-être est-il temps que le Québec et l’Ontario cessent d’aborder la question du commerce interprovincial au cas par cas. En intégrant le dossier de la construction à une discussion plus large sur l’ouverture de leurs marchés, les deux provinces pourraient trouver de nouvelles motivations pour résoudre ce dossier. Avec leur accord TILMA, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont créé un modèle au Canada. Les autres provinces peuvent suivre cet exemple ou continuer à errer.
samedi 28 avril 2007
samedi 7 avril 2007
Une occasion de faire plus
Paru dans Les Affaires, le 07 avril 2007, p. 14
Même si le phénomène est rare au Québec, un gouvernement minoritaire n’est pas nécessairement source d’instabilité ou de paralysie, comme il a été prouvé au niveau fédéral.
En fait, la nouvelle donne pourrait même représenter une belle occasion de relancer des réformes que les libéraux n’ont pas accomplies lorsqu’ils étaient majoritaires. En 2003, le Parti libéral promettait une grande réingénierie de l’État; on connaît la suite.
La nouvelle opposition officielle adéquiste, qui partage cette orientation, contrairement au Parti québécois, pourrait permettre au gouvernement d’aller plus loin. Imaginons ce qui pourrait se produire si le gouvernement et l’opposition officielle s’entendaient pour adopter des réformes qui, en plus d’être cohérentes avec les programmes de chacun de leurs partis, obtiennent un large soutien au sein de la population.
> Plus de place au privé dans la santé: le gouvernement Charest a réagi au jugement Chaoulli en autorisant le recours à l’assurance privée dans le cas de seulement trois interventions chirurgicales. Il a aussi établi un cadre légal qui limite le développement de l’offre privée en santé. Il y aurait moyen de faire davantage appel à des cliniques privées ou même à de petits hôpitaux privés dont les services seraient financés publiquement.
L’Action démocratique du Québec (ADQ) plaide pour un système de santé qui ferait une plus large place au privé. Par ailleurs, les sondages des dernières années montrent qu’environ les deux tiers des Québécois sont prêts à payer pour obtenir des soins plus rapidement.
> Plus de réingénierie: les libéraux n’ont aboli qu’une poignée d’organismes publics. Seuls 2 500 des 75 800 postes de fonctionnaires avaient été supprimés au 31 mars 2006, alors qu’ils promettaient une réduction de 20% sur 10 ans. En 2006, 16,1% de la population active occupée au Québec travaillait dans le secteur public provincial et local, comparativement à 13,9% en Ontario et 15,6% dans l’ensemble du Canada.
Ce n’est pas pour rien que les contribuables québécois restent parmi les plus taxés et endettés du continent. Bref, la cure d’amaigrissement n’est pas terminée. Si le gouvernement choisissait d’en accélérer le rythme, il pourrait sans doute compter sur l’appui de l’ADQ.
> Plus de transparence: en octobre dernier, le Vérificateur général constatait que le gouvernement recourait toujours à des méthodes comptables discutables qui ont pour effet de cacher un déficit et d’alourdir la dette. Selon lui, le déficit cumulé aux fins de la Loi sur l’équilibre budgétaire est d’au moins 5,3 milliards de dollars, sans compter le déficit du réseau de la santé.
Si le gouvernement adoptait les principes comptables généralement reconnus au Canada pour le secteur public, il devrait sans doute réduire ses dépenses afin de respecter l’équilibre budgétaire. Le respect de ces principes constitue donc un puissant levier qui pourrait amener des réformes plus profondes. Tant l’ADQ que le Parti québécois ont déjà pris position en faveur des recommandations du Vérificateur général.
Lors du prochain vote sur son budget, le gouvernement aura besoin de l’appui des deux partis d’opposition. C’est donc une occasion privilégiée pour l’amener à révéler la véritable situation des finances publiques.
Même si le phénomène est rare au Québec, un gouvernement minoritaire n’est pas nécessairement source d’instabilité ou de paralysie, comme il a été prouvé au niveau fédéral.
En fait, la nouvelle donne pourrait même représenter une belle occasion de relancer des réformes que les libéraux n’ont pas accomplies lorsqu’ils étaient majoritaires. En 2003, le Parti libéral promettait une grande réingénierie de l’État; on connaît la suite.
La nouvelle opposition officielle adéquiste, qui partage cette orientation, contrairement au Parti québécois, pourrait permettre au gouvernement d’aller plus loin. Imaginons ce qui pourrait se produire si le gouvernement et l’opposition officielle s’entendaient pour adopter des réformes qui, en plus d’être cohérentes avec les programmes de chacun de leurs partis, obtiennent un large soutien au sein de la population.
> Plus de place au privé dans la santé: le gouvernement Charest a réagi au jugement Chaoulli en autorisant le recours à l’assurance privée dans le cas de seulement trois interventions chirurgicales. Il a aussi établi un cadre légal qui limite le développement de l’offre privée en santé. Il y aurait moyen de faire davantage appel à des cliniques privées ou même à de petits hôpitaux privés dont les services seraient financés publiquement.
L’Action démocratique du Québec (ADQ) plaide pour un système de santé qui ferait une plus large place au privé. Par ailleurs, les sondages des dernières années montrent qu’environ les deux tiers des Québécois sont prêts à payer pour obtenir des soins plus rapidement.
> Plus de réingénierie: les libéraux n’ont aboli qu’une poignée d’organismes publics. Seuls 2 500 des 75 800 postes de fonctionnaires avaient été supprimés au 31 mars 2006, alors qu’ils promettaient une réduction de 20% sur 10 ans. En 2006, 16,1% de la population active occupée au Québec travaillait dans le secteur public provincial et local, comparativement à 13,9% en Ontario et 15,6% dans l’ensemble du Canada.
Ce n’est pas pour rien que les contribuables québécois restent parmi les plus taxés et endettés du continent. Bref, la cure d’amaigrissement n’est pas terminée. Si le gouvernement choisissait d’en accélérer le rythme, il pourrait sans doute compter sur l’appui de l’ADQ.
> Plus de transparence: en octobre dernier, le Vérificateur général constatait que le gouvernement recourait toujours à des méthodes comptables discutables qui ont pour effet de cacher un déficit et d’alourdir la dette. Selon lui, le déficit cumulé aux fins de la Loi sur l’équilibre budgétaire est d’au moins 5,3 milliards de dollars, sans compter le déficit du réseau de la santé.
Si le gouvernement adoptait les principes comptables généralement reconnus au Canada pour le secteur public, il devrait sans doute réduire ses dépenses afin de respecter l’équilibre budgétaire. Le respect de ces principes constitue donc un puissant levier qui pourrait amener des réformes plus profondes. Tant l’ADQ que le Parti québécois ont déjà pris position en faveur des recommandations du Vérificateur général.
Lors du prochain vote sur son budget, le gouvernement aura besoin de l’appui des deux partis d’opposition. C’est donc une occasion privilégiée pour l’amener à révéler la véritable situation des finances publiques.
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