Paru dans Les Affaires, le 07 avril 2007, p. 14
Même si le phénomène est rare au Québec, un gouvernement minoritaire n’est pas nécessairement source d’instabilité ou de paralysie, comme il a été prouvé au niveau fédéral.
En fait, la nouvelle donne pourrait même représenter une belle occasion de relancer des réformes que les libéraux n’ont pas accomplies lorsqu’ils étaient majoritaires. En 2003, le Parti libéral promettait une grande réingénierie de l’État; on connaît la suite.
La nouvelle opposition officielle adéquiste, qui partage cette orientation, contrairement au Parti québécois, pourrait permettre au gouvernement d’aller plus loin. Imaginons ce qui pourrait se produire si le gouvernement et l’opposition officielle s’entendaient pour adopter des réformes qui, en plus d’être cohérentes avec les programmes de chacun de leurs partis, obtiennent un large soutien au sein de la population.
> Plus de place au privé dans la santé: le gouvernement Charest a réagi au jugement Chaoulli en autorisant le recours à l’assurance privée dans le cas de seulement trois interventions chirurgicales. Il a aussi établi un cadre légal qui limite le développement de l’offre privée en santé. Il y aurait moyen de faire davantage appel à des cliniques privées ou même à de petits hôpitaux privés dont les services seraient financés publiquement.
L’Action démocratique du Québec (ADQ) plaide pour un système de santé qui ferait une plus large place au privé. Par ailleurs, les sondages des dernières années montrent qu’environ les deux tiers des Québécois sont prêts à payer pour obtenir des soins plus rapidement.
> Plus de réingénierie: les libéraux n’ont aboli qu’une poignée d’organismes publics. Seuls 2 500 des 75 800 postes de fonctionnaires avaient été supprimés au 31 mars 2006, alors qu’ils promettaient une réduction de 20% sur 10 ans. En 2006, 16,1% de la population active occupée au Québec travaillait dans le secteur public provincial et local, comparativement à 13,9% en Ontario et 15,6% dans l’ensemble du Canada.
Ce n’est pas pour rien que les contribuables québécois restent parmi les plus taxés et endettés du continent. Bref, la cure d’amaigrissement n’est pas terminée. Si le gouvernement choisissait d’en accélérer le rythme, il pourrait sans doute compter sur l’appui de l’ADQ.
> Plus de transparence: en octobre dernier, le Vérificateur général constatait que le gouvernement recourait toujours à des méthodes comptables discutables qui ont pour effet de cacher un déficit et d’alourdir la dette. Selon lui, le déficit cumulé aux fins de la Loi sur l’équilibre budgétaire est d’au moins 5,3 milliards de dollars, sans compter le déficit du réseau de la santé.
Si le gouvernement adoptait les principes comptables généralement reconnus au Canada pour le secteur public, il devrait sans doute réduire ses dépenses afin de respecter l’équilibre budgétaire. Le respect de ces principes constitue donc un puissant levier qui pourrait amener des réformes plus profondes. Tant l’ADQ que le Parti québécois ont déjà pris position en faveur des recommandations du Vérificateur général.
Lors du prochain vote sur son budget, le gouvernement aura besoin de l’appui des deux partis d’opposition. C’est donc une occasion privilégiée pour l’amener à révéler la véritable situation des finances publiques.