(Paru dans Les Affaires, le 15 mars 2008, p. 39)
Qui n’aime pas jouir d’un service public de qualité tout en laissant l’ensemble des contribuables, y compris ceux qui n’utilisent jamais ce service, le payer. Est-ce notre petit coté profiteur qui explique que les droits payés par les usagers (à l’université, dans les CPE, en santé) sont si faibles, voire inexistants? «Tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde» ironisait l’économiste français Frédéric Bastiat, au 19e siècle.
Sauf que la population en général n’accorde pas aux autoroutes autant d’importance que le font leurs utilisateurs (les automobilistes et les camionneurs). Résultat: les gouvernements ont laissées les routes se détériorer. Pour combler un déficit d’entretien évalué à plusieurs milliards de dollars, le gouvernement actuel s’est engagé à faire d’importants travaux de réfection financés par endettement public.
C’est dans ce contexte que l’économiste Mathieu Laberge, de l’Institut économique de Montréal, a publié la semaine dernière une étude mesurant ce que pourrait rapporter le péage. Huit éditorialistes se sont alors mis de la partie.
Une taxe additionnelle?
Certains, comme Jean-Jacques Samson du Journal de Québec, voient dans le péage une nouvelle façon de taxer les usagers de la route qui contribuent déjà, via la taxe sur le carburant et les droits perçus par la SAAQ, pour un montant supérieur à celui consenti par l’État pour l’entretien du réseau. Cela ne sera plus vrai à l’avenir avec le nouveau plan de réfection, les coûts totaux liés aux routes vont dépasser les contributions de leurs usagers.
Des autoroutes carrossables sont essentielles au développement économique. Comment financer les travaux de réfection: par endettement (soit finalement par la taxation générale), par la taxe sur le carburant ou par le péage?
Dans Le Soleil, Jean-Marc Salvet observe que l’endettement public constitue un coût caché que nous payons tous pour maintenir nos autoroutes en bon état. «Mais même quand ils sont cachés, les coûts sont des coûts». Ainsi le péage, loin d’être une taxe additionnelle, représente simplement une façon de remettre la facture aux usagers de la route. Facture que les profiteurs voudraient répartir parmi l’ensemble des contribuables.
Henry Aubin, dans The Gazette, préfère la taxe sur le carburant aux péages, afin de faire l’économie du système de perception. Sauf que cette taxe ne peut être modulée selon l’heure du jour, comme le péage peut l’être.
Inter-financer les transports collectifs?
La plupart des commentateurs souscrivent au principe de l’utilisateur-payeur, y voyant une façon de stabiliser le financement des travaux. Mais du même souffle, certains, comme Alain Dubuc dans La Presse et un éditorialiste dans The Gazette, suggèrent d’affecter une partie des recettes du péage au financement d’autres services, comme les transports collectifs. Or, c’est justement ce que d’autres redoutent, comme Valère Audy dans La Voix de l’Est, qui nous rappelle le pillage de la caisse de la SAAQ. Je partage leur crainte: si on permet au gouvernement de financer autre chose à l’aide du péage, le principe de l’utilisateur-payeur serait travesti et nous glisserions sur la pente savonneuse vers les détournements de fonds.