Paru dans Le Soleil, le 8 juillet 2012, page 19.
Deux sujets semblent vouloir structurer la prochaine campagne électorale au Québec, attendue en août: quelle réponse appropriée à la contestation étudiante et que faire de la corruption alléguée dans l’octroi et la gestion des contrats publics. Bien sûr, chacun des partis va essayer d’imposer son thème préféré. Mais à côté de ces deux éléphants, les autres sujets, comme la meilleure manière de développer l’économie par exemple, risquent d’être relégués au second plan.
Le PQ et le PLQ
débutent la joute chacun avec un atout majeur‑qui n’est rien d’autre que le boulet
de leur principal adversaire ! Le principal atout du PQ, c’est la suite de
révélations et d’allégations qui ont entouré le gouvernement Charest d’une aura
de corruption. La Commission Charbonneau a beau débuter ses travaux, les
adversaires du gouvernement Charest l’ont déjà jugé coupable. Et il se peut
qu’ils aient aussi déjà gagné dans la cour de l’opinion publique. Les péquistes
pourront sans doute demander de quel droit un gouvernement peut-il exiger des
sacrifices à tel ou tel groupe social quand il s’est apparemment permis d’arroser
ses amis à même les fonds publics.
L’atout majeur
des Libéraux, c’est que le PQ a commis une erreur en s’associant d’aussi près à
la fronde étudiante. En effet, le PQ, les syndicats, les artistes et les
associations étudiantes ont échoué, du moins jusqu’à présent, à bâtir une
majorité en faveur de la position étudiante dans le conflit. Selon le dernier
sondage Léger Marketing, une majorité oscillant entre 50 et 60% persiste à
appuyer la position gouvernementale dans le conflit étudiant, malgré
l’impopularité du gouvernement Charest. Et pourtant, les adversaires du
gouvernement ont mis le paquet: les leaders étudiants ont répété que leur
combat dépassait l’enjeu des droits de scolarité (la CLASSE en appelle
maintenant à une grève sociale) ; en plus d’arborer le carré rouge,
madame Marois est allée jusqu’à jouer de la casserole ; une bonne partie
du Commentariat s’est égosillé d’indignation suivant la loi 78.
J’ai deux hypothèses
pour expliquer cet échec, au choix. 1) Le PQ, les syndicats, les étudiants et
les artistes n’ont pas encore réussi à fédérer tous les groupes
socioéconomiques appartenant au Québec subventionné. Mais ce n’est qu’une
question de temps : quand ce sera fait, il y aura une majorité en faveur
des étudiants. 2) Le front commun du refus de l’austérité a bel et bien pris
forme, mais il rassemble finalement moins de monde que l’on pouvait penser. Dans
le camp adverse, outre des Libéraux, il existe un segment significatif de
l’électorat qui, tout en rejetant le gouvernement Charest pour diverses raisons,
reconnaît néanmoins qu’il faudra bien, pour sortir nos finances publiques du trou,
cotiser tous les groupes socioéconomiques, y compris les étudiants. Il s’agit
là possiblement de l’électorat de la CAQ.
En avril, les
étudiants avaient remporté une importante bataille stratégique. Grâce à
l’ampleur de leur mobilisation, ils avaient réussi à fermer la fenêtre que les
Libéraux avaient ouverte pour tenir une élection générale après le Salon Plan
Nord et surtout avant que ne débutent les audiences de la commission
Charbonneau. Sauf qu’ils ont mal prévu la réaction populaire aux dérapages de leur
mobilisation. Pour une fois, la population n’a pas préféré acheter la paix
sociale à tout prix. De sorte que, ironiquement, c’est la réticence des leaders
étudiants et de leurs alliés à condamner ces dérapages qui a donné aux Libéraux
leur principal atout pour la campagne électorale à venir. Voilà un beau cas
d’arroseur arrosé.
Reste à savoir lequel
des deux atouts/boulets pèsera davantage en août. La partielle d’Argenteuil semble
indiquer que le boulet libéral pèse plus lourd que celui du PQ. Mais l’histoire
l’a montré à répétition : les partielles ne sont pas de bons prédicteurs
des élections générales. Les jeux sont loin d’être faits.