Dans le vin comme pour d’autres cultures,
les consommateurs ont souvent un
petit penchant pour les produits locaux, quand leur
rapport qualité prix se compare avec celui des produits importés. Pourtant, les
vins québécois et canadiens sont relativement peu présents à la SAQ. En dehors
de notre monopole, comment mettre la main sur les bons produits du Québec et du
Canada ?
Pour les vins du Québec, le gouvernement
vient de permettre aux épiceries et aux dépanneurs de vendre des vins locaux sans
passer par la SAQ, et surtout sans la majoration moyenne de 135% qu’elle impose
normalement. C’est déjà une
grande avancée, même si cette mesure ne concerne toujours pas les autres
alcools du terroir.
Pour les vins produits ailleurs au Canada, on retrouve maintenant
une offre surprenante, tant en Colombie-Britannique qu’en Ontario, qui comptent respectivement
320 et 240 producteurs, lesquels produisent au total plusieurs milliers de vins.
Or, la SAQ n’offre que 60 et 41 références provenant de ces provinces, et
encore sporadiquement. Au nom de quoi le consommateur québécois ne pourrait-il
pas avoir accès aux autres produits ?
Bonne nouvelle, les gouvernements du
Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique viennent d’annoncer
qu’elles permettront aux résidents de leur province de commander par internet
des vins produits dans les deux autres. Ainsi, les Québécois pourront se faire
livrer du vin ontarien à une succursale SAQ ou par la poste à leur domicile.
Mais attention, cette ouverture concerne uniquement les vins
produits dans ces provinces, pas les vins importés. Impossible donc de
commander à la LCBO un produit importé, simplement pour économiser par rapport
au prix demandé à la SAQ.
Les vins canadiens auxquels nous aurons accès auront subi la
majoration du monopole provincial dans leur province d’origine. Les commandes
placées directement auprès des producteurs viticoles demeurent interdites. Il n’y a donc pas d’aubaine en vue pour les
consommateurs.
Du point de vue des viticulteurs québécois,
l’entente entre les trois provinces représente tout de même une bonne nouvelle
puisqu’ils pourront accroître leur marché dans les autres provinces.
Plusieurs points restent néanmoins à
éclaircir. Nous ne savons pas, par exemple, s’il y aura une limite sur la
quantité qu’un consommateur peut commander. Nous ignorons si la SAQ imposera
une majoration par-dessus celle de la LCBO.
Enfin l’entente
tripartite n’inclut pas les autres alcools, comme les spiritueux.
Tout de même, en augmentant la diversité de
l’offre, cette entente représente pour les consommateurs un pas dans la bonne
direction, quoique timide. En effet, il est toujours interdit pour un Québécois
d’acheter en Ontario plus de 12 bouteilles de 750 ml. De plus, il doit les
acheter en personne; les commandes livrées par un tiers sont interdites. Tel
est l’effet pratique du monopole de la SAQ sur l’importation et la distribution
au gros.
Nous sommes donc loin d’un marché commun canadien,
tel que celui établi en principe dans la Constitution canadienne (article 121).
Le véritable test arrivera quand la Cour suprême se prononcera en appel du jugement
Comeau. Dans cette affaire, un résident du Nouveau-Brunswick a été acquitté
par le tribunal de première instance de l’accusation d’avoir importé du Québec
plus que la quantité d’alcool permise. Si la Cour suprême confirme l’acquittement,
un Québécois qui achète en Ontario pourrait enfin avoir autant de droits qu’un
Allemand Berlinois qui achète son vin à Munich ou en France.