(Paru dans La Presse et Le Soleil, les 5 et 6 novembre 2000)
Bravo aux responsables du classement des écoles secondaires du Québec! D'une part, celui-ci répond au souhait des parents de pouvoir situer l'école de leurs enfants par rapport à d'autres. D'autre part, il révèle la sourde résistance du milieu de l'éducation à une évaluation indépendante. Je m'explique.
Il y aurait certes lieu de présenter les résultats en séparant les écoles (privées et publiques) qui effectuent une sélection à l'entrée de celles qui n'en font pas. Parmi ces dernières, il faudrait regrouper les écoles selon l'indice socio-économique de leur milieu, de manière à pouvoir facilement comparer des écoles sises dans des quartiers semblables. Néanmoins, le classement tel que publié représente une bonne base de travail qui permet déjà aux parents de se faire une idée.
D'autres récusent le classement parce qu'il met trop l'accent sur le rendement scolaire des élèves aux dépens d'autres façons de mesurer la qualité des écoles. Personne ne prétend qu'un classement fondé sur des résultats des élèves aux épreuves donne un portrait complet. Mais il constitue néanmoins une composante nécessaire de l'évaluation. Aucune évaluation n'est totalement juste dans sa méthodologie, mais ce n'est pas une raison pour refuser l'exercice. Ceux qui critiquent la méthodologie n'avaient qu'à collaborer au projet plutôt que d'y faire obstruction.
Au fond, la dénonciation unanime servie par le ministère, les commissions scolaires et les syndicats d'enseignants témoigne de leur refus de tout classement qui révèlerait l'existence d'écoles moins performantes que d'autres. De l'égalité des chances des élèves, on est passé à l'égalité de réputation des acteurs du système.
Et pourtant, comme consommateur, j'ai maintenant des outils conviviaux pour comparer à peu près tous les produits et services qui me sont proposés. Comme épargnant, j'ai des outils pour comparer des actions d'entreprises, qui sont des organisations aussi complexes que des écoles. Comme électeur, les médias se chargent de comparer pour moi les candidats et leurs programmes. Alors pourquoi, comme consommateur de services éducatifs, n'aurais-je pas d'outil pour comparer des écoles? C'est que les entreprises et les partis politiques sont habituées à se faire scruter. Ils vivent en régime de concurrence tandis que la plupart des écoles publiques n'ont pas à se battre pour remplir leurs classes. L'évaluation comparative dérange et secoue. D'où la transparence toute soviétique dont fait preuve ici le milieu de l'éducation.
Supposons qu'un classement des écoles révèle que celle de mes enfants performe moins bien que la plupart des écoles situées dans des quartiers comparables. Supposons aussi que je n'ai pas d'alternative assez proche de chez moi, ni au public ni au privé. Que me reste-il? M'intéresser à mon école de quartier, faire pression à l'école et à la commission scolaire pour que ça change. La Loi 180 visait justement à responsabiliser les parents par rapport à leur école de quartier. L'auto-évaluation institutionnelle telle que proposée par le ministère, quand elle ne sera pas complaisante, ne permettra pas aux parents de comparer leur école à d'autres. L'évaluation comparative des écoles, par un agent politiquement indépendant des fournisseurs de services éducatifs, est un outil nécessaire pour une participation efficace des parents à la vie de leur école publique.
L'auteur est parent d'élèves au secteur public et membre d'un conseil d'établissement.