(Paru dans La Presse, Forum, le 6 mars 2003, p. A13)
Par Léon Courville et Paul Daniel Muller
MM. Courville et Muller sont auteurs du livre " Place à l'initiative ", publié récemment chez Québec Amérique et préfacé par Mario Dumont. Léon Courville a été chef des opérations de la Banque nationale du Canada et M. Muller est consultant.
Il faut se rendre à l'évidence : même si on est les plus taxés en Amérique du Nord, l'État québécois ne remplit pas ses missions à la satisfaction de tous.
Dans les hôpitaux, les patients patientent à l'excès. Dans les écoles, on va de réforme en réforme. Les artisans des services publics en ont ras le bol : l'encadrement excessif a laminé l'initiative et tué le sens des responsabilités. Les usagers de services publics se sentent mal servis, les contribuables abusés et les employés de l'État oubliés.
Face au constat qu'on peut faire mieux, nous proposons Place à l'initiative, un projet de société emballant pour libérer la richesse collective des Québécois maintenant et pour l'avenir.
Libérer la richesse, ça veut d'abord dire laisser plus d'espace au secteur privé, qui comprend le communautaire et les travailleurs autonomes.
Sans renoncer à ce que nous sommes, il y a un monde entre un modèle étatisant, où le gouvernement fournit lui-même les services, et un modèle où il se limite simplement à en assurer l'accès. C'est une différence cruciale car lorsque l'État fournit des services directement à la population, ces derniers coûtent toujours plus chers que les mêmes services offerts par le secteur privé.
En effet, quand le gouvernement construit des logements ou gère des centres d'accueil et d'hébergement, ça coûte plus cher. En 1999-2000, près de 30 % des dépenses de rémunération dans les centres hospitaliers de la région de Montréal-Centre étaient consacrées aux heures non travaillées et aux charges sociales. Ce pourcentage augmente régulièrement depuis dix ans.
Saine concurrence
Ailleurs dans le monde, on voit qu'une présence accrue du secteur privé de même que l'établissement d'une concurrence saine a su entraîner d'importantes économies pour les contribuables.
En Angleterre, on a introduit une réforme appelée Compulsory Competitive Tendering (CCT), qui a permis d'attiser une concurrence réelle ou virtuelle entre les entités susceptibles de produire des services publics. Les services ont vu leur productivité augmenter en moyenne de près de 25 % et leurs coûts par unité diminuer de plus de 10 % en moyenne. (...)
Priorités d'action
Ces priorités d'action sont au coeur de " Place à l'initiative ", dont le projet de société repose sur quatre grandes idées-maîtresses :
1 - Orienter davantage nos politiques en fonction du long terme
Le vieillissement de la population québécoise est inquiétant : Le pourcentage des plus de 65 ans aura en effet doublé au Québec (de 12 % à 24 %) entre 1996 et 2025. Ce sont donc les plus jeunes qui devront fournir la majeure partie des ressources exigées par les soins de santé. Or ceux-ci seront relativement moins nombreux.
Nous n'avons plus le choix : Il nous faut penser à long terme en donnant de l'air au moteur de la croissance économique du Québec, en libérant le consommateur dans le système de santé pour lui permettre d'acheter des soins de santé additionnels sans perdre l'aide publique, en préservant nos richesses naturelles renouvelables et nos infrastructures économiques et en s'attaquant à la réduction de la dette.
2 - Octroyer plus d'autonomie sur le terrain
Pour libérer l'initiative, il faut redonner plus d'autonomie individuelle aux citoyens. Pour le travailleur, c'est le droit d'entrer sur un marché pour y trouver un emploi. Pour l'entrepreneur, c'est le droit de faire concurrence à ses pairs et aux ressources dans les établissements publics. Pour le contribuable, c'est plus de liberté d'allouer ses revenus selon ses préférences, c'est-à-dire moins d'impôts. Pour l'usager de services publics, c'est le droit de s'adresser au service ou à l'établissement qui correspond le mieux à ses préférences.
3 - Redonner aux usagers du secteur public le droit de choisir
Une concurrence saine entre les établissements publics redonnera le pouvoir aux usagers. Pour ce faire, il nous faudra rendre leur financement dépendant du succès à attirer la clientèle, octroyer aux gestionnaires plus de flexibilité dans l'organisation du travail ainsi que les moyens de récompenser l'effort et l'initiative.
4 - Faire prévaloir l'intérêt général
Les citoyens doivent être davantage informés des avantages perçus par des groupes socio-économiques privilégiés. Une des façons sera de chiffrer de tels avantages, par exemple le coût de la pollution, afin de pouvoir appliquer le principe pollueur-payeur, ou encore, le prix de l'épuisement d'une ressource, pour mettre en vigueur le principe de développement durable.
Ces mesures n'apporteront que des bénéfices aux Québécois :
Plus de choix... pour les consommateurs de services publics, pour les parents, pour les personnes âgées, pour les ménages à faible revenu.
Des services de meilleure qualité... parce que le financement des producteurs dépendra davantage des consommateurs, la concurrence s'installera et favorisera l'amélioration du rapport qualité/prix.
Un secteur public qui retrouve le sourire... parce que les employés de l'État auront l'autonomie nécessaire pour relever les défis auxquels ils font face.