(Paru dans Les Affaires, le 26 avril 2008, p. 29)
Avez-vous déjà eu l’impression, en voyant des gouvernements surenchérir pour attirer des projets industriels, que l’ensemble des contribuables faisaient les frais de certains secteurs industriels choyés?
On le voit ces jours-ci avec la lutte qui s’engage entre le Québec et le Missouri pour obtenir l’usine d’assemblage des avions CSeries, de Bombardier. L’entreprise a toujours privilégié Mirabel pour y assembler la CSeries. Ottawa s’était engagé en 2005 à offrir 350 millions de dollars en aide remboursable et semble s’en tenir à cela. Québec a promis un prêt de 118 millions, mais se dit ouvert à augmenter sa mise.
Mais Bombardier voudrait obtenir plusieurs centaines de millions de plus, et donc commencer à écouter d’autres soupirants. L’État du Missouri débattait la semaine dernière d’un plan qui lui accorderait jusqu’à 40 millions de dollars par année en crédits d’impôt, pendant 22 ans, si elle assemblait la CSeries à Kansas City.
En principe, ce sont les avantages concurrentiels d’une région qui devraient motiver les choix d’emplacement des entreprises : disponibilité d’une main-d’oeuvre qualifiée et bon marché, infrastructures de qualité, impôt modéré, etc. Mais dans certains secteurs industriels, les acteurs ont réussi à entraîner les gouvernements dans une surenchère.
Chaque État dispose d’un arsenal de subventions plus ou moins déguisées sous forme de crédits d’impôt, de programmes permettant de réduire les frais de financement ou le risque commercial, de politiques d’achat local.
Peu importe sa forme, l’aide publique accordée à certains secteurs privilégiés est nécessairement prélevée dans d’autres secteurs. Ces derniers en subissent les contrecoups sous forme d’un fardeau fiscal plus lourd, qui fait fuir l’investissement et d’autres emplois. Mais pour ces emplois inaperçus personne ne se bat.
Sous des fortes pressions populaires, les États s’engagent dans une surenchère visant à arracher le projet convoité. À la limite, le bénéfice net de l’investissement est nul du point de vue des contribuables.
Difficile pour un gouvernement de renoncer unilatéralement à cette pratique. À moins d’offrir des conditions locales attrayantes au point de compenser l’absence de subventions. Le Québec n’en est pas là. Alors que faire? Sans éliminer toute aide, les États peuvent quand même s’entendre pour limiter la course aux subventions.
C’est ce qu’ont fait la Colombie-Britannique et l’Alberta avec leur entente TILMA. Ces provinces se sont engagées l’une envers l’autre à ne pas fournir de subvention directe ou indirecte ayant pour effet de fausser les décisions d’investissement ou dans le but d’attirer une entreprise de l’autre province.
Voilà un bel exemple à suivre pour le Québec. D’abord avec nos partenaires économiques les plus proches, puis à l’échelle internationale sous forme d’ententes bilatérales ou multilatérales.
L’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international ne s’est pas fait en un jour. Dans le cas des subventions aux entreprises, nos dirigeants auraient aussi avantage à engager un dialogue avec leurs homologues d’autres États. Eux aussi peuvent se sentir entrainés, à leur corps défendant, dans une surenchère en matière de subventions.