(Paru dans Les Affaires, le 05 avril 2008, p. 34)
Le départ à la retraite des baby-boomers sert à justifier bien des recommandations politiques.
En mars, le Rapport Fortin sur l’investissement privé des entreprises explique que le Québec ne pourra bientôt plus compter sur la progression de l’emploi pour s’enrichir et qu’il faut désormais miser sur l’investissement.
En février, le Rapport Castonguay proposait une panoplie de réformes du système de santé public. Or, moins de travailleurs, c’est aussi moins de contribuables pour le financer par l’impôt ce système.
En décembre 2007, la Régie des rentes du Québec publiait une analyse actuarielle qui présentait une hausse du taux de cotisation (de 9,9 à 10,54 %) comme une mesure nécessaire à sa stabilité à long terme, sachant que le rapport entre les prestataires et les travailleurs cotisants va baisser.
Tout en proposant une gamme variée de solutions aux problèmes qu’ils abordent, ces trois rapports passent sur silence une option puissante: inciter nos travailleurs dans la cinquantaine et la soixantaine, les plus expérimentés, à rester plus longtemps en emploi.
Au Québec, nous prenons notre retraite plus tôt qu’ailleurs au Canada, le taux d’activité des personnes d’âge mûr est plus faible et la population vieillit plus vite qu’ailleurs.
En 1966, au moment où les régimes de retraite publics ont été mis en place, un homme de 65 ans pouvait espérer vivre encore 13,2 ans. En 2004, son espérance de vie a augmenté de 4 ans. Les personnes de 65 ans sont en meilleure santé aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a 40 ans. Une personne qui se retire à 55 ans après 30 ans de services passera ainsi presque autant d’années à la retraite que sur le marché de travail.
Confrontés à cette équation plusieurs pays occidentaux, comme les États-Unis et plus récemment l’Allemagne, ont déjà repoussé l’âge normal de la retraite. Le Royaume-Uni s’engage aussi dans cette voie.
Au Québec et au Canada, notre politique en la matière n’a pas bougé: c’est toujours 65 ans. En dépit des problèmes annoncés, on fait comme si ce seuil était un jalon inamovible, une sorte de droit acquis générationnel. Faux: ce n’est qu’une modalité de certains programmes sociaux, qui dépendent, eux, de la capacité des contribuables à les financer.
Le Québec pourrait lui aussi hausser l’âge normal de la retraite de 65 à 67 ans graduellement. Nous pourrions aussi cesser dès maintenant d’encourager les retraites précoces. Les régimes privés devraient pouvoir imposer une pénalité à ceux qui décident de prendre leur retraite anticipé, qui est actuellement permis à partir de 55 ans, moyennant une simple réduction actuarielle.
Bien que l’idée du reporter l’âge normal de la retraite ait été mise en pratique ailleurs, les leaders d’opinion et des analystes d’ici qui appartiennent à la génération des baby-boomers refusent de la considérer. Car n’est-il pas plus agréable de profiter rapidement une retraite «soi-disant» bien méritée? Avec, pour les plus futés, la possibilité de continuer de gagner de l’argent en tant que consultant tout en se prévalant d’une rente de retraite.