Paru dans Le Soleil, le 1er décembre 2008, p. 22.
Est-ce que les pertes à la Caisse de dépôt et placement du Québec, engendrées par la crise financière, mettent en péril les rentes des retraités, actuels et futurs? M. Dumont évoque cette possibilité. M. Charest l'accuse illico de mener une "campagne de peur odieuse". Voilà pourtant une question importante, qu'il est parfaitement légitime d'aborder dans la présente campagne électorale.
La Caisse, comme la plupart des fonds, encourra des pertes exceptionnellement élevées en 2008. Si elles sont comparables à celles qu'enregistrent la plupart des autres fonds, elles risquent fort de chambarder les équilibres actuariels de ses principaux déposants : la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurance, qui gère les rentes des employés du secteur public québécois, et le Régime des rentes du Québec.
Ces équilibres actuariels sont précaires dans un contexte où les premières cohortes de baby-boomers commencent à prendre leur retraite. Les régimes de retraite devront débourser d'importantes sommes au cours des prochaines années et n'ont pas 10 ans devant eux pour se refaire une réserve.
Dans sa plus récente analyse actuarielle, le 31 décembre 2006, la Régie des rentes évoquait déjà la nécessité de hausser le taux de cotisation du RRQ pour assurer la stabilité à long terme du régime. Si le RRQ a perdu entre 10 et 20 % de sa réserve en 2008, il faudra sans doute refaire les calculs. Et ce ne sera pas du gâteau!
Le gouvernement n'est certes pas à blâmer pour les pertes de la Caisse, mais il devra néanmoins prendre acte des dégâts et choisir une stratégie pour assurer la stabilité du RRQ et des autres déposants.
Il n'y a pas de solution miracle : on peut augmenter les cotisations, diminuer les prestations ou en ralentir la croissance, ou encore désassurer certains risques. Dans le cas du RRQ, on peut aussi retarder l'âge normal de la retraite, par exemple de 65 à 67 ans. Le gouvernement pourrait aussi théoriquement les renflouer en s'endettant de quelques milliards, donc en transférant le fardeau aux générations futures de contribuables.
De toute évidence, les conséquences des pertes de la Caisse constituent un enjeu proprement économique et politique : qui des cotisants, des prestataires, des contribuables contemporains ou des contribuables futurs va payer les pots cassés?
En tant que membre de la génération X, je vois les baby-boomers arriver à l'âge de la retraite sans avoir traversé, collectivement, quelque grande épreuve que ce soit. Nés après la guerre, ils ont vécu les Trente glorieuses. Casés pour la plupart avant la récession des années 80, ils ont peu connu le marché du travail éclaté des années 80 et 90.
Pour ceux qui, comme moi, partagent cette analyse, il n'est pas question de promettre aux boomers un passe-droit par rapport aux conséquences de cette crise financière. Les boomers doivent s'attendre à un impact négatif sur leur train de vie, d'une façon ou d'une autre. Voilà pourquoi M. Dumont a raison d'évoquer la diminution des prestations comme l'une des possibilités pour compenser les pertes de la Caisse. Voilà aussi pourquoi le gouvernement devrait rendre publics les chiffres de la Caisse, exceptionnellement, même s'ils sont provisoires.