Paru dans La Presse, le 30 octobre 2008, p. A15.
Le 1er novembre 2001, dans une atmosphère de crise suivant les attentats du 11 septembre et ceux à l’anthrax, le gouvernement du Québec déposait son budget 2002-2003, avec cinq mois d’avance. But: « soutenir la confiance des consommateurs et préserver les emplois en stimulant l’activité économique» selon la ministre des Finances de l’époque, Pauline Marois. Fait saillant de ce budget : trois milliards $ d’investissements publics additionnels dans les routes, les infrastructures, ainsi que les réseaux de la santé et de l’éducation.
Il s’avéra que la récession appréhendée n’eut pas lieu, ni au Québec ni au Canada. Aux États-Unis, elle dura huit mois, trois de moins que leur durée moyenne depuis la 2e guerre mondiale. Au Canada, le gouvernement fédéral continua de réaliser des surplus et de rembourser sa dette. Mais au Québec, la machine à « investir » s’emballa. L’échéance électorale approchant, les dépenses en immobilisation publiques triplèrent en deux ans, passant de 473 M$ en 2000-2001 à 1 482 M$ en 2002-2003. Elles ne redescendirent plus en bas du milliard $ par année.
Supposons que cette fois, le Québec, le Canada et la planète économique au complet se dirigent vers une vraie récession. Distinguons en d’abord les causes. Chez nos voisins américains, on assiste à une vague de défauts sur prêts, de faillites personnelles et institutionnelles, à une crise de confiance dans le système financier. Pas ici. Au Canada, une récession résulterait d’un fléchissement des exportations, notamment vers les États-Unis, d’une baisse des profits des sociétés dans les secteurs financier et pétrolier, ainsi que de la morosité ambiante qui plombe la consommation. Tandis que la situation américaine appelle une réponse extraordinaire, une récession au Canada serait plus ordinaire.
Que faire?
Dans ce cas, que devrait faire le gouvernement du Québec pour en atténuer l’impact chez nous? Ou plutôt, que peut-il faire de plus que le plan d’infrastructures déjà annoncé ? En un mot : rien.
D’abord, parce que c’est la Banque du Canada qui détient le principal levier pour relancer l’économie : le taux d’intérêt directeur.
Ensuite, parce que les recettes fiscales des gouvernements fédéral et provinciaux, de même que le régime d’assurance emploi, constituent des stabilisateurs automatiques à court terme. En cas de récession, les recettes fiscales baisseront et, si les gouvernements ne réduisent pas d’autant les dépenses, ils encourront un déficit qui compensera en partie un repli de la consommation et de l’investissement privé. Au Québec, la loi sur l’équilibre budgétaire oblige un gouvernement qui encourt un déficit à le compenser par des surplus au cours des années suivantes.
Au-delà de ce mécanisme automatique, les gouvernements tentent parfois, futilement, de contrecarrer les récessions en augmentant des dépenses discrétionnaires, comme les immobilisations. En vertu des règles comptables au Québec, ces dépenses ont l’avantage politique de ne pas engendrer un déficit, puisqu’elles sont inscrites directement à la dette. Le hic, c’est que les projets d’investissement prennent normalement des mois, voire des années, pour franchir l’étape des permis, de l’ingénierie et des appels d’offres. Entre l’annonce des investissements et les premières pelletées de terre, l’économie a souvent déjà repris sous l’impulsion d’autres facteurs.
Bref, une récessions chez nous se résorbera ou perdurera peu importe ce que fera ou non Québec dans les prochains mois. Ainsi, nul besoin de choisir le prochain gouvernement du Québec pour sa capacité de gérer la conjoncture. Comme d’habitude, c’est pour une vision à long terme de notre avenir que nous devrions opter.