Paru dans La Presse, le 12 novembre 2009, page A25.
Même si elle a démontré sa résilience depuis quinze ans, l’ADQ est aujourd’hui à plat. Avec les derniers soubresauts, même ses partisans les plus irréductibles questionnent sa viabilité. On voit mal, en effet, comment une autre course à la direction pourrait attirer de nouveaux candidats, du financement et des membres. Difficile aussi d’imaginer comment un chef couronné, aussi talentueux soit-il, pourrait relever une marque politique aussi amochée, puis attirer des candidats vedette. Faut-il donc fermer boutique et se résigner à l’alternance des vieux refrains? Pas si vite. En quinze ans, les adéquistes ont fondé un courant politique réuni non seulement autour d’un chef, mais aussi autour de quelques idées phares. D’abord, des valeurs d’autonomie et de responsabilité, autant pour les individus et les établissements publics que pour le Québec. Puis, une critique impénitente du modèle d’État hérité de la Révolution tranquille. Et partant, des idées de réformes faisant place au choix, à la liberté et à la concurrence. Enfin, une préoccupation sincère pour la dette et l’équité intergénérationnelle. Ces idées ont séduit environ un électeur sur six en 2003 et en 2008. Elles sont maintenant bien implantées dans plusieurs régions du 418 et du 819, ainsi qu’au sein des générations x et y. Profitant de la faiblesse circonstancielle de ses adversaires, l’ADQ a franchi la barre des 35% en 2002 et 2007 grâce à des percées dans le 450, terreau des jeunes familles. Ce parcours a donné naissance à une famille politique de sympathisants, d’organisateurs et de candidats. Des hommes et des femmes qui aspirent maintenant à autre chose qu’à retourner dans le sérail des partis qui ont conduit le Québec au palmarès des États les plus endettés de l’OCDE. Ainsi, même si la marque ADQ est aujourd’hui à plat, son discours, son électorat et ses militants, eux, demeurent. Dans les années à venir, si le gouvernement persiste à procrastiner le ménage de ses dépenses et de ses structures, même en présence d’un déficit record, les propositions adéquistes, hier encore taxées de radicales, pourraient bien recueillir un appui majoritaire. Dans ce contexte, l’ADQ n’a pas besoin de perdurer à tout prix. Les partis sont des véhicules, pas des fins en soi. Plutôt, les adéquistes pourraient commencer dès maintenant à préparer leur mutation vers un autre véhicule. Ce nouveau parti reste bien sûr à définir, mais il s’articulera sans doute autour de quelques grandes idées de réforme. S’il peut voir le jour, il regroupera des souverainistes capables d’apercevoir non seulement les défauts du Canada mais aussi ses qualités, ainsi que des fédéralistes capables d’envisager l’indépendance sans subir une crise d’apoplexie. Il sera porté, notamment, par des communicateurs doués, par des hommes et femmes ayant tiré des leçons de leur passage au gouvernement, par des universitaires prêts à joindre le geste à la parole, et par des gens d’affaires fatigués d’attendre. Ainsi, le prochain chef de l’ADQ en sera nécessairement un de transition. Sa mission sera claire : tendre la main aux adversaires d’hier, recruter son propre relayeur et rassembler, autour d’un projet, le camp du changement.