Paru dans La Presse, le 26 septembre 2009, page A35
Qui n’aime pas jouir d’un bon service public, tout en refilant la facture à l’ensemble des contribuables, y compris à ceux qui ne s’en servent jamais? «Tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde» ironisait déjà Frédéric Bastiat au 19e siècle.
Réunis ce weekend en conseil général, les libéraux se prononceront sur le principe de réintroduire le péage sur les autoroutes. Voilà une bonne idée dont l’heure est arrivée.
En 2007, le gouvernement du Québec a lancé un programme de réfection et de construction de routes et d’autoroutes qui coûtera plus de 10 milliards $ sur cinq ans, entièrement financé par endettement. Le service de cette dette, de même que les dépenses d’entretien courantes, sont financés par les utilisateurs de toutes les routes, par le truchement de la taxe sur le carburant et des droits sur les permis et les immatriculations. Mais aussi par l’ensemble des contribuables via les taxes et impôts généraux.
Du coté des bénéfices, une autoroute en bon état profite à trois catégories de citoyens. D’abord, à ses usagers, qui peuvent se déplacer plus rapidement que par les routes ordinaires. Puis, à l’ensemble des automobilistes, en réduisant la congestion sur les autres rues et routes. Et, finalement, à la société toute entière, en favorisant le commerce et l’investissement industriel. Par conséquent, une autoroute devrait aussi être financée par trois sources de revenus provenant de ces mêmes catégories, idéalement dans les mêmes proportions que les bénéfices qu’ils en retirent. Or, l’usage des autoroutes étant gratuit, les gens qui en profitent le plus sont subventionnés par les deux autres catégories. Cette forme de redistribution est injustifiée.
C’est pourquoi il est souhaitable que les usagers des autoroutes assument une plus grande part du coût de leur réfection. Quiconque a emprunté une autoroute aux États-Unis ou à Toronto ou en France l’a constaté : là comme dans beaucoup de pays avancés, le péage est courant.
Il y a quelques années, le produit de la taxe sur le carburant (1,6 G$) et des droits sur les permis et les immatriculations (670 M$) pouvait dépasser le budget alloué aux routes provinciales. Mais avec le vaste programme de réfection en cours, ce ne sera bientôt plus vrai.
Lorsqu’ils ont été abolis au Québec en 1985, les péages ralentissaient la circulation. Maintenant, avec les systèmes électroniques, c’est plutôt le contraire : le péage modulé selon l’heure ou le jour pousse une partie des automobilistes et des camionneurs à prendre la route en dehors des heures de pointe. Donc avantage pour les navetteurs: moins de congestion le matin et l’après midi.
Vrai, un retour des péages équivaudrait à une nouvelle forme de taxation. Certes, pour éliminer son déficit, le gouvernement ne doit pas seulement taxer davantage, mais aussi et surtout couper, quitte à passer quelques vaches sacrées à l’abattoir. Mais cet argument valide ne doit pas servir à bloquer une bonne idée. Le retour du péage tient la route, indépendamment de l’état désastreux des finances publiques.