Texte paru le 19 février 2020 dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec.
Quel délice de lire la réaction du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep de Sainte-Foy au palmarès des cégeps publié samedi dans le Journal ! Enfin, un syndicat d’enseignants reconnaît la part de responsabilité de ses membres dans la performance institutionnelle. Alléluia !
Quel délice de lire la réaction du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep de Sainte-Foy au palmarès des cégeps publié samedi dans le Journal ! Enfin, un syndicat d’enseignants reconnaît la part de responsabilité de ses membres dans la performance institutionnelle. Alléluia !
Pour susciter
cet aveu, il aura fallu que la directrice générale de ce cégep omette de
souligner l’apport des profs dans son rang enviable au palmarès. (Selon le
reportage, elle a plutôt pointé les mesures d’encadrement et de soutien
pédagogique.) Il n’en fallut pas plus pour que les profs la corrigent :
« Nos 600 professeur.e.s n’auraient à peu près rien à voir avec le succès
de leurs étudiant.e.s? C’est assez incroyable tout de même! » s’indigent-ils.
Exactement!
Cela tombe sous le sens commun que les enseignant.e.s ‑ premiers artisans du
système d’éducation ‑ ont une part de responsabilité dans la réussite éducative
des jeunes. Qui ne se souvient, en se rappelant son propre parcours scolaire,
d’un ou deux profs qui ont été particulièrement bons (ou mauvais) pédagogues,
et qui ont eu une influence significative dans sa propre persévérance scolaire
?
Comme dans tous les métiers, il y a de bons profs et des pas bons. Idem au
niveau institutionnel : il y a des directions qui réussissent mieux que
d’autres à gérer les ressources dont elles disposent pour améliorer leurs indicateurs
de performance, toutes choses égales par ailleurs.
Cette
reconnaissance par la direction et les professeurs du cégep Sainte-Foy de leur
responsabilité respective dans la réussite éducative contredit le discours dominant
des représentants du milieu de l’éducation. Que ce soit cette fois la Fédération des cégeps et les syndicats nationaux d’enseignants à l’égard du palmarès des cégeps,
ou les commissions scolaires à l’égard du classement des écoles
secondaires, ses représentants ne cessent de minimiser leur part de
responsabilité dans les résultats éducatifs des jeunes. On convient aisément de
l’impact de facteurs comme la sélection à l’entrée de certains programmes ou
établissements, le niveau socioéconomique des élèves et étudiants, le niveau
des ressources de soutien pédagogique et l’attrait de marché du travail. Mais
de là à occulter la responsabilité des directions d’établissement et de leurs
employés, il y a un pas que les représentants du milieu de l’éducation
franchissent trop facilement.
On les
comprend : s’ils admettaient leur part de responsabilité, cela
justifierait une évaluation de leur travail susceptible d’avoir des conséquences
sur des carrières, du moins dans les cas patents.
Horreur! Mieux vaut s’en tenir à demander plus de ressources.
Horreur! Mieux vaut s’en tenir à demander plus de ressources.
Les déterminants
de la réussite éducative et de la persévérance scolaire sont certes multiples.
Un indicateur comme le taux de diplomation ne rend pas justice à lui seul à la
complexité du réel. Soit, mais cela n’entraine pas qu’il faille y renoncer.
Aucun
indicateur de performance n’est parfait, même les plus pondérés. Celui auquel
les étudiants du collégial préuniversitaire sont assujettis, la cote de
rendement au collégial (« cote R »), a fait l’objet de critiques et
de révisions à plusieurs reprises depuis son instauration en 1977. En dépit de
ses imperfections, il a perduré car il est utile: permettre aux universités de
sélectionner des étudiants dans les programmes contingentés.
Les élèves
du secondaire et les étudiants du collégial préuniversitaire sont en
concurrence les uns avec les autres pour accéder à des places limitées dans les
programmes qu’ils privilégient au niveau d’enseignement supérieur. À cette
forme de concurrence, les éducateurs sont habitués. Mais quand des
établissements d’enseignement se voient placés en concurrence les uns avec les
autres, par des médias, pour attirer les élèves et les étudiants les plus
motivés, alors là leurs représentants rejettent la comparaison.
Les médias
comme le Journal ou la revue L’actualité (jusqu’en 2009) qui produisent des palmarès répondent à un
intérêt d’une partie des parents et des jeunes pour des comparaisons. Plutôt
que d’y résister en bloc, le milieu de l’éducation pourrait collaborer avec les
médias pour perfectionner la méthodologie. À défaut de cette collaboration et
en dépit de l’opposition du milieu, les comparaisons d’établissements
continueront quand même.