Paru dans Les Affaires, le 30 juin 2007, p. 14.
Quand l’Université du Québec à Montréal se résoudra à cotiser ses étudiants pour payer une partie des pots cassés à l’Îlot Voyageur, parions qu’elle recourra aux fameux «frais afférents», qui ont permis aux universités de contourner le gel des frais de scolarité imposé jusqu’à récemment par le gouvernement. Quand les autres universités essaieront d’accroître leurs revenus autonomes en augmentant davantage les droits de scolarité que ce qui est autorisé par le gouvernement, parions qu’elles trouveront un truc semblable.
Outre les universités, on a vu plusieurs autres cas où des fournisseurs de services financés par l’État ont eu recours à une forme de surfacturation. Des écoles publiques ont commencé à imposer des frais aux parents pour l’achat de matériel pédagogique. Comme si un manuel était un supplément par rapport à la prestation de l’enseignant.
Pour compenser l’écart défavorable entre la subvention qui leur est versée et celle que reçoivent les centres de la petite enfance, certaines garderies privées ont commencé à exiger des parents des frais supplémentaires de 5 $ par jour pour les sorties éducatives et autres extras, en plus de la contribution parentale de 7 $.
Des cliniques d’avortement privées ont commencé à exiger environ 200 $ de leurs clientes pour le même service qui est offert gratuitement dans les CLSC et les hôpitaux.
Pour servir une clientèle prête à payer et offrir aux médecins participants à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) d’autres occasions de pratique en plus du temps opératoire limité dans les hôpitaux publics, le Centre de chirurgie Rockland MD facture à ses patients des «frais accessoires et de pratique». Selon un rapport de la RAMQ, ces frais visent à couvrir ses frais de fonctionnement.
Ces cas de surfacturation sont apparus dans différentes circonstances. Ils résultent d’initiatives prises par des établissements tant publics (écoles, universités) que privés (garderies, cliniques). Mais ils ont aussi plusieurs points en commun. Dans tous ces cas, des fournisseurs de services financés par l’État ont contourné plus ou moins légalement un règlement qui limite les frais qu’ils peuvent imposer à leurs clients ou usagers. Chaque fois, la manœuvre a été décidée pour supplémenter les revenus – soi-disant insuffisants - provenant des contribuables, déjà lourdement taxés.
Que pouvons-nous conclure? D’abord, qu’en dépit des protestations, les usagers ou les clients de ces fournisseurs ont dans les faits payé le prix demandé. Ainsi la réglementation ne peut empêcher deux parties consentantes de faire une transaction. Ensuite, que l’approche consistant à réglementer le prix d’un service public subit déjà plusieurs entorses, qui pourraient bien se multiplier dans l’avenir si le gouvernement veut baisser à la fois le fardeau fiscal et ses dépenses.
Enfin, et c’est la conclusion la plus importante, qu’il est peut-être temps d’ouvrir d’autres soupapes qui permettraient à des clients ou usagers et à des fournisseurs de services de traiter en toute légalité. À cet égard, il existe au moins deux approches de rechange, voire préférables, à la surfacturation: l’offre purement privée en parallèle à l’offre publique et le financement public de la demande plutôt que de l’offre. Je reviendrai sur ces deux modèles dans ma prochaine chronique, le 21 juillet.