Publié le 11 janvier 2010 sur Argent
Au Québec, nous aimons les nouveaux programmes. Un besoin? Un programme! Depuis quinze ans, nous avons été généreux envers nous-mêmes. Nous nous sommes donnés l’assurance médicament en 1996(coût pour les contribuables : 2,2G$ en 2008-2009 en plus des primes versées par les adhérents), les CPE en 1997 (1,9G$ en 2009-2010, en plus des contributions parentales); et l’assurance parentale en 2006 (déficit de 252M$ en 2008, en plus des cotisations). Il y a aussi la prime au travail , des crédits d’impôt pour les aidants naturels, pour la nouvelle économie, pour les régions ressources, et plusieurs autres.
Tous ces programmes ont été créés pour répondre à la priorité du jour. Plusieurs d’entre eux font l’envie des autres Canadiens.
Chaque époque faisant apparaître de nouveaux besoins, nous empilons les programmes. Le hic, c’est qu’ils doivent tous être financés. Et comme nous n’aimons pas trop les taxes et les impôts, nous avons dû trouver une astuce: changer le vocabulaire! Une « dépense », c’est ordinaire, mais un « investissement », c’est noble! Par ce simple tour de vocabulaire, nous nous sommes donnés la caution morale « d’investir » dans notre bien-être, tout en refilant la facture à nos enfants. Un investissement, cela se paie à long terme, non?
Peut-on continuer ainsi d’empiler les programmes? À l’évidence, la cour est pleine. Déjà, la somme des impôts et des taxes perçus au Québec est supérieure, en proportions de notre richesse collective (38% du PIB), à ce qui se fait en Ontario (36%), dans le reste du Canada (33%), dans les pays du G7 (36%) et dans ceux de l’OCDE (36%).
Les contribuables protestent comme ils le peuvent : par la fuite pour ceux qui sont mobiles, par le travail au noir pour ceux qui sont pris ici, et par la « planification fiscale agressive » pour ceux qui ont les moyens de s’offrir un fiscaliste.
Si l’on veut continuer de répondre aux nouveaux besoins, il faut donc se résoudre à faire le ménage. Couper les programmes devenus moins prioritaires avec le temps?même s’ils sont encore appréciés. Remercier les institutions devenues désuètes ou dont on peut se passer?même si elles ont bien servi. Faire de la place pour ce qui est le plus important aujourd’hui. Gouverner, c’est choisir; et choisir, c’est renoncer.
Mais de quoi peut-on se passer? Les programmes dépassés existent bel et bien, mais ils sont assez difficiles à apercevoir. Ils sont comme nos traîneries à la maison: à force de les cotoyer, nous ne les voyons même plus. Ils font partie du décor. Nous ne nous demandons plus s’ils sont vraiment toujours essentiels.
Même lorsqu’on les a identifiés, le plus dur reste à faire. Car chaque programme a son lobby de bénéficiaires. Pis : certains programmes ont engendré des institutions pour les administrer. Et chaque institution a ses clercs. Pas touche à mon steak!
Pour accomplir ce grand ménage, le gouvernement, malgré son pouvoir législatif, se trouve bien démuni dans l’arène politique. Face aux groupes de pression patronaux, syndicaux, régionaux, communautaires, etc. qui défendent chacun leur programme bec et ongles, le gouvernement est bien seul. Il a besoin d’aide. Appel à tous : c’est à nous les citoyens, en notre qualité de contribuable et d’usager des services publics vraiment essentiels, d’identifier ce dont on peut se passer. En voici trois :
La prestation de décès – À l’occasion du décès d’un travailleur ou d’un retraité, la Régie des rentes verse 2500$ à la famille du défunt, jusqu'à concurrence des frais funéraires. Ce programme est issu de l’époque où l’assurance vie était beaucoup moins répandue. Il coûte 100 millions $ par année. Or, plus de 80% des Québécois sont maintenant assurés sur la vie, pour un montant moyen largement supérieur à 2500$. Si l’on enlève les jeunes, c’est presque tous les adultes qui sont assurés sur la vie. Ainsi, ce programme est devenu une subvention déguisée à l’industrie des services funéraires. Nous pourrions nous en passer. Pour les familles démunies, non assurées, l’État pourrait toujours assumer le coût de funérailles convenables.
Le crédit d’impôt en raison de l’âge - Instauré en 1972, cette mesure vise tout bonnement à « alléger le fardeau fiscal des Québécois âgés. » Coût en 2010 : 178 M$ par année. Mais pour quelle raison faudrait-il alléger le fardeau fiscal des personnes âgées en particulier, de préférence à celui des adultes? Ce crédit d’impôt ne cible pas les personnes âgées démunies, mais bien ceux dont le revenu excède 30 000$. Explication : c’est du clientélisme à l’état pur.
Certains voient l’abolition d’un crédit d’impôt comme une augmentationd’impôt. En fait, un crédit d’impôt, c’est un programme social ou une subvention qui vient réduire l’impôt à payer et qui se trouve à être administré par Revenu Québec, d’où la confusion. D’ailleurs, on les appelle des « depenses fiscales ». Supprimer un crédit d’impôt, c’est donc réduire une dépense.
Le crédit d’impôt pour revenus de retraite - Celui-ci a été instauré en 1975 « pour mieux protéger contre l’inflation le revenu de retraite des Québécois âgés. » L’inflation, qui était un problème dans les années 1970, n’en est plus un depuis depuis 20 ans. Peu importe, le crédit d’impôt a survécu, au coût de 164 M$ en 2010, dissimulée dans les recoins de la fiscalité des particuliers.
Ce ne sont là que trois programmes qui paraissent dépassés, ici dans le domaine social. Ensemble, ils valent 442 millions $, une somme significative, mais qui représente moins de 10% des cinq milliards que nous devons trouver pour arrêter de nous endetter « pour payer l’épicerie ». Dans un texte complémentaire à celui-ci, Marcel Boyer et moi identifions plusieurs autres programmes à supprimer ou réduire dans le domaine des subventions aux entreprises. D’autres citoyens, qui connaissent bien d’autres recoins de l’appareil d’État ou de la fiscalité, vont pouvoir en identifier d’autres.
Voir aussi le reportage de TVA sur la propoposition de supprimer la prestation de décès
Voir aussi la réaction d'un thanatologue à cette proposition.