Paru le 30 avril dans LaPresse, page A18, ainsi que le 3 mai sur LaPresse.ca. Voir aussi l'opinion du chroniqueur économique Francis Vailles. Un second texte, à la suite de celui-ci dans ce blogue, analyse les objections les plus courantes à cette idée.
Combien y a-t-il de moyens
pour économiser 500 millions $ tout en rendant les gens plus ‑ pas moins
‑ satisfaits du service reçu et du gouvernement ? Tandis qu’un groupe après
l’autre manifeste contre l’émondage des dépenses publiques, la question semble
opportune. Voici un moyen : supprimer le dédoublement fédéral-provincial
en matière de perception des impôts.
Le Québec est la
seule province qui perçoit elle-même l’ensemble de ses principaux impôts et taxes :
l’impôt sur le revenu des particuliers, celui sur le revenu des sociétés et la
TVQ. Partout ailleurs, sauf une exception, c’est l’Agence du revenu du Canada qui
assure la perception de l’impôt au nom du gouvernement provincial. En 2009,
l’Ontario a délégué à l’ARC la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés
(IRS). Hormis le Québec, l’Alberta reste la seule province qui perçoit
elle-même l’IRS.
Selon deux
évaluations distinctes, l’une effectuée par l’ARC en 2009, l’autre par le Parti
québécois en 2010, ce dédoublement coûterait entre 445 et 500 millions $ par
année. Il s’agit là d’une somme colossale. Pour la mettre en perspective, elle équivaut
à trois fois le produit de la hausse des tarifs exigée des parents pour les CPE
(160 millions $) ou encore deux fois les économies attendues (220 millions $)
de l’abolition des postes dans le réseau de la santé.
L'économie budgétaire
représente seulement l’un des côtés de la médaille. De l’autre, celui des
contribuables, il faut ajouter le coût en temps pour les particuliers et les
sociétés : remplir deux déclarations, traiter avec deux agences de revenus
en cas de question, de vérification ou de contestation. Quand un contribuable
confie ces tâches à un comptable, ce coût en temps est monétisé.
En dépit du coût
colossal de ce dédoublement, le gouvernement ne s’y est pas attaqué jusqu’à
présent.
Quelle serait
l’alternative ? Une intégration des deux agences de revenu donnerait lieu, au
Québec, à une série unique de formulaires, à un guichet unique, à une seule
machine de traitement administrative, et à un processus de vérification
intégré. Chaque agence de revenu continuerait d’assumer des fonctions stratégiques
et spécialisées, comme la lutte à l’évasion fiscale par exemple. Chaque gouvernement
continuerait d’avoir sa politique fiscale.
Bien sûr, dans un tel
scénario d’intégration, il faudra préserver la capacité du Québec de percevoir
ses recettes fiscales, quel que soit son statut politique dans le futur.
L’intégration de la
perception fiscale permettrait aux deux gouvernements à la fois d’économiser
des fonds publics ET de mieux servir les contribuables. Qui dit mieux ?
Mais elle ferait aussi des perdants : moins de travail pour les 12 000
fonctionnaires de l’ARQ et les 6000 de l’ARC (au Québec). Moins de travail
aussi pour les comptables privés. Néanmoins, l’Ordre des comptables
professionnels agréés du Québec s’est prononcé en faveur d’une déclaration
unique.
Comment surmonter les
obstacles et les résistances, afin d’aller récupérer quatre ou cinq cent millions
d’économies, et ainsi réduire la pression ailleurs ? Un truc simple, à la
portée de tous les citoyens : quand vous entendrez un ministre dire que le
gouvernement a tout fait pour réduire sa bureaucratie, avant de rogner sur un
service de santé ou d’éducation ou d’hausser un tarif ou une taxe, dites-vous
que ce n’est pas vrai. Le dédoublement ARC-ARQ est l’éléphant dans le salon; il
serait temps que le gouvernement cesse d’en détourner le regard.