Après un rapport KPMG en 2011, la commission Robillard a
elle aussi souligné les coûts administratifs excessifs à la SAQ. On sait déjà
que la SAQ offre de bons emplois, mais les chiffres valent la peine d’être
précisés. Un commis à la SAQ gagne au moins 50% de plus que celui à l’épicerie ou
la boutique voisine. On ne parle pas ici
des conseillers en vins mais bien des simples caissiers-vendeurs. Même un boucher d’expérience, qui connaît pourtant
toutes les coupes et qui conseille ses clients, ne gagne (18-19$ l’heure) pas autant qu’un commis à la SAQ (19$ au départ, 24$ après sept ans). Au nom de quoi le vin
justifie-t-il une telle prime ?
La SAQ
accorde à ses employés et retraités un rabais de 40% sur leurs achats. En 2013 l'Assemblée nationale
adoptait à l’unanimité une motion exigeant que ce rabais devienne imposable. En
dépit de cette demande des élus, cet avantage reste non imposé.
Jusqu’en
2011, la SAQ réservait les emplois d’été dans ses entrepôts aux enfants de ses
employés. Dans le secteur public, cela s’appelle
normalement du népotisme, mais à la SAQ cette pratique « correspondait aux valeursd’antan ». Il
a fallu un article dans LeSoleil pour qu’elle cesse.
Outre le
coût de la distribution, d’autres pistes mériteraient aussi d’être explorées. Le
coût du vin importé lui-même par exemple. Selon les chiffres du Corriere Vinicolo analysés par le
chroniqueur en vin Marc André Gagnon, le Canada était le quatrième plus
important importateur de vin à l’échelle mondiale en 2013. À elle seule, la SAQ
achète environ 40% du vin importé au Canada. On pourrait croire qu’en raison de
son énorme pouvoir d’achat, la SAQ ferait baisser le coût du vin importé. Il
s’agit peut-être là d’une idée reçue : le Canada est le pays qui payait le plus cher son vin importé selon cette analyse.
En 2006, la
SAQ s’est fait prendre à demander à des producteurs européens d’augmenter leurs prix afin de compenser la baisse de
l’euro. Cet épisode laisse entrevoir une cause possible du problème. Quand un
distributeur ou un détaillant fait de l’argent en appliquant une majoration (mark-up) sur le coût d’un bien, quand de
plus il s’agit d’un monopole qui peut refiler une hausse du coût aux clients,
alors il n’est pas très motivé à comprimer le coût de cet intrant. Moins en
tout cas que s’il opérait dans un marché concurrentiel.
Les indicateurs
et les histoires convergent : la SAQ a un problème avec ses coûts. Dans le
commerce de l’alimentation, la concurrence oblige les joueurs à les comprimer tant
qu’ils peuvent. L’autre grand monopole d’État, Hydro-Québec, voit ses coûts scrutés
chaque année par la Régie de l’énergie. En revanche, la SAQ n’est assujettie ni à la discipline du
marché, ni à une autorité réglementaire. Quand son actionnaire lui
demande un plus gros dividende, elle cherche davantage à augmenter ses revenus
qu’à se serrer la ceinture. Mais avec le plafonnement des ventes en volume, de l’achalandage
et du résultat net depuis 2012, cette approche est peut être épuisée.
L’alcool reste
un bien de luxe. Perso, je préfère encore financer les services publics en taxant
l’alcool qu’en imposant le travail. Les clients de la SAQ, qui sont aussi des
contribuables, auraient avantage qu’une plus grande part du prix de la
bouteille serve à financer nos services publics que de rester dans les poches
du distributeur.
La
commission Robillard a apporté sa pierre à l’édifice; il reste à l’achever. Pour
aller au fond des choses, le gouvernement pourrait demander au Vérificateur
général d’examiner la SAQ en profondeur.