Une version condensée de ce texte est parue le 4 novembre dans LaPresse (page A16), ainsi que sur LaPresse+ et LaPresse.ca.
Les commissions scolaires (c.s.) ont eu beau essayer d’expliquer pourquoi il fallait aller voter, ce fut peine perdue. Les électeurs ont compris : à peu près tout ce qui compte en éducation se décide ailleurs qu’au conseil des commissaires. En pratique, les commissaires vont le plus souvent entériner ce que leur propose la direction générale, elle-même quasiment menottée par les directives et les conventions collectives imposées par le Ministère et le Conseil du trésor.
Par leur abstention massive, les électeurs ont néanmoins parlé : la démocratie scolaire telle que nous la connaissons n’est plus perçue comme valant la peine de se déplacer. Le jeu n’en vaut plus la chandelle; c’est le moment d’en changer les règles.
Depuis plusieurs années, des voix proposent diverses réorganisations, comme une autre ronde de fusions de c.s., des mises en commun de certains services (ex : achats) à l’échelle du Québec, ou encore la prise en charge de certaines fonctions par des villes (ex : gestion du parc immobilier). De telles réformes laissent entrevoir des gains d’efficience permettant de réallouer de l’argent aux services aux élèves.
Au-delà de ces réorganisations administratives, une réforme plus féconde serait d’accorder aux écoles publiques qui le désirent une plus grande autonomie administrative et pédagogique. Une telle dévolution de certains pouvoirs libérerait le talent des directeurs et éducateurs qui désirent innover.
Mais pour véritablement ouvrir ce chantier, il faut aussi secouer l’ordre établi au niveau politique.
Dans une c.s., c’est l’entité administrative qui gère les écoles; la structure élective englobe le conseil des commissaires, le pouvoir de déterminer le taux de la taxe scolaire et les élections scolaires. C’est uniquement la structure élective qu’il y a lieu d’abolir. En supprimant celle-ci, nous faciliterions une réorganisation administrative en profondeur.
Les représentants des commissaires répondent que notre système politique exige que le niveau d’une taxe soit décidé par des élus. L’an dernier, suivant des coupures budgétaires, certaines c.s. ont exercé leur droit d’augmenter la taxe scolaire. La ministre de l’Éducation a alors déposé un projet de loi pour les obliger à rembourser les contribuables. Ce printemps, un comité d’experts a proposé de fixer un taux de taxation unique à travers Québec. En pratique, le pouvoir des commissaires de fixer le taux de la taxe scolaire est devenu une fiction.
Si la structure élective était abolie, la taxe scolaire pourrait être maintenue, mais elle serait fixée par le gouvernement et collectée par Revenu Québec. Les c.s. sont déjà financées à 80% par Québec; elles le seraient alors en totalité. Ainsi, fini le jeu ridicule entre le gouvernement et les c.s. qui se renvoient la patate chaude quand il faut hausser la taxe scolaire ou réduire un service.
La taxe scolaire deviendrait une simple taxe foncière, pleinement intégrée au mix fiscal du gouvernement, avec l’impôt sur le revenu et la TVQ. Pour ces deux prélèvements, les Québécois sont plus taxés que les résidents des autres provinces, mais dans le champ de l’impôt foncier, nous le sommes moins. Il serait avantageux de transférer une partie du fardeau fiscal de l’impôt sur le revenu vers une taxe foncière provinciale. Tandis que l’impôt sur le revenu taxe le travail et les autres manières de créer de la richesse, l’impôt foncier taxe plutôt un réservoir de richesse accumulée. Cette richesse accumulée a été acquise parfois par le travail, mais parfois aussi grâce à la chance : appréciation de la valeur marchande, héritages. L’impôt foncier est moins nocif pour la croissance économique que l’impôt sur le revenu, et il est plus difficile à frauder. Pour ces raisons, l’intégration de la taxe foncière dans le mix fiscal général du gouvernement faciliterait la réforme fiscale d’ensemble sur laquelle planche la commission Godbout.
L’autre objection à l’abolition de la structure élective est d’ordre politico-constitutionnel. Dans les neuf c.s. anglophones, le taux de participation (17,3%) a été presque quatre fois supérieur à celui du côté francophone (4,3%). En se donnant la peine de se déplacer, les Anglos ont montré qu’ils tiennent davantage à cette structure que la majorité francophone. Par ailleurs, notre minorité de langue officielle jouit d’un droit constitutionnel de gérer son système d’éducation, tout comme les communautés francophones ailleurs au Canada. Ce droit est compris comme entraînant celui d’élire les dirigeants de leurs structures scolaires.
Pour ces deux raisons une réforme de la démocratie scolaire ne devrait viser à prime abord que les c.s. francophones.
S’opposant à cette idée, la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec a déjà déclaré qu’il serait « politiquement impensable » d’accorder aux Anglos un « privilège » qui ne serait pas donné à la majorité. Il est assez remarquable, incidemment, d’invoquer le cas particulier des c.s. anglophones pour défendre le statu quo chez la majorité. Mais sur le fond, l’argument de la symétrie obligatoire dans les modes de gouvernance ne tient pas la route. Rien ne nous oblige d’imposer un modèle unique à la grandeur du Québec. Au niveau municipal, on retrouve plusieurs modèles de gouvernance en fonction du degré d’attachement des citoyens à leurs structures locales. Dans le fédéralisme canadien, le Québec a toujours plaidé pour une forme de statut spécial. L’asymétrie dans la gouvernance publique, y compris celle des écoles, représente une voie porteuse pour trouver une issue aux problèmes complexes. En prime, si le Québec accordait à sa minorité nationale, la communauté anglophone, une sorte de statut spécial au niveau de la gestion de son système d’éducation, cela montrerait au reste du Canada que le Québec peut adopter dans son domaine, ici celui de l’éducation, la même approche asymétrique qu’il préconise à l’échelle canadienne.
Après avoir défendu les commissaires scolaires pendant une décennie, voici maintenant que les Libéraux admettent la pertinence d’une réforme. Cela rappelle le mot de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D'abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. »
mardi 4 novembre 2014
mardi 24 juin 2014
Fuite pour fuite ?
Paru le 16 juin dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec. Voir aussi la réplique du président de l'Association des pompiers de Montréal, M. Ronald Martin, ainsi que ma mise au point. Voir aussi l'opinion du chroniqueur aux affaires municipales de LaPresse, François Cardinal.
L’auteur s’adresse au président de
l’Association des pompiers de Montréal, Ronald Martin, qui a incité ses membres
à partir immédiatement à la retraite afin de minimiser leur contribution à la résorption
du déficit de leur régime de retraite.
Vous
m’inspirez, M. Martin. Vous avez placé l’intérêt de vos membres les plus
anciens avant ceux des pompiers les plus jeunes et ceux de la collectivité. Vous
avez prévenu vos contemporains du péril qui les attendait; ils ont fui juste à
temps. Quand le navire s’apprête à couler, il faut bien le quitter avant qu’il ne
sombre, n’est-ce pas?
Faisons une
expérience en pensée; supposons que je vous imite. Je préviendrais alors mes
concitoyens, ceux des générations X et Y en particulier, du péril qui les
attend. Je leur dirais que le navire de l’État québécois s’apprête à couler
sous le poids des dettes publiques que les deux générations précédentes leur
ont léguées. S’ils restent au Québec, ils deviendront les serfs des retraités, tout
justes bons à servir les dettes publiques. Des dettes qui résultent des
promesses que deux générations, la vôtre et la précédente, formés
majoritairement de cigales, se sont faites à elles-mêmes ‑ à la charge de leurs
enfants.
Si je vous
imitais, je les « informerais » qu’ils ont eux-aussi une sortie de
secours. Vos membres peuvent partir précipitamment à la retraite avant que le
gouvernement ne les cotise pour assurer leur rente. Les X et Y pourraient
eux-aussi partir vivre ailleurs avant que le gouvernement ou la ville ne les
siphonne à l’excès pour assurer…vos rentes.
Mais
n’avons-nous pas tous une responsabilité de secours mutuel les uns envers les
autres, en cas de malheur ou de sinistre ? À mes concitoyens X et Y qui éprouveraient
du remords à l’idée de vous laisser vous débrouiller sans leurs taxes, je
dirais de prendre exemple sur vos membres seniors. Par leur départ groupé et
précipité, les pompiers démissionnaires ont obligé la fermeture temporaire de
deux casernes. Des Montréalais se sont retrouvés avec une protection incendie
dégradée pendant quelques heures. Une chance qu’un sinistre majeur ne s’est pas
déclaré au mauvais moment. Par la somme de leurs gestes individuels, les
démissionnaires ont ainsi signifié que les Montréalais ne méritaient pas qu’ils
sacrifient une part de leur confort matériel pour assurer leur protection
incendie. À l’inverse, les générations cigales méritent-elles que les
contribuables X et Y sacrifient une part croissante du leur confort pour protéger
celui de leurs aînés ?
Vous
invoquez la promesse qui vous a été faite par votre employeur dans le passé et
qui sera prochainement rognée. Une promesse c’est une promesse; la rogner
serait du vol, n’est-ce pas? Aux X et aux Y, les cigales ont promis un avenir
meilleur à l’aide d’un endettement collectif. Sauf que cette dette a surtout servi
à financer, non pas des infrastructures durables, mais leurs jobs biens
rémunérés. Aujourd’hui, le Québec se retrouve parmi les états les plus
endettés, mais pas parmi les plus prospères.
Là aussi il y a une promesse brisée. Pas un contrat de travail comme le vôtre,
mais plutôt un contrat social. Cela vous autorise-t-il à fuir à la retraite
pour minimiser votre contribution à la résorption du problème ?
Vous aurez
compris, M. Martin, que je ne m’adresse pas seulement à vous, mais bien à tous
ceux parmi vos contemporains qui pensent comme vous. Cela fait trente ans que
nous pelletons par en avant le problème des dettes publiques, en espérant qu’il
s’atténue de lui-même sans trop de heurts. Il ne faut plus laisser les cigales
se dérober à l’effort collectif pour le résorber.
mercredi 21 mai 2014
Déficit des régimes de retraite municipaux : un fardeau fiscal latent pour les contribuables
Voir aussi l'article de Marianne White dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec portant sur cette étude, le reportage de Chu Anh Pham à TVA, l'éditorial de The Gazette, ainsi que mes entrevues avec Paul Arcand au 98,5 fm (Cogeco Montréal) et Sylvain Bouchard au FM93, (Cogeco Québec)
Les déficits accumulés des régimes de retraite des employés municipaux représentent un fardeau fiscal latent pour les propriétaires fonciers. À Québec, Montréal et Saguenay, ce fardeau dépassait 1000$ par tranche de 100 000$ d’évaluation municipale au 31 décembre 2012. Pour dix autres villes du Québec, dont Longueuil, Laval et Sherbrooke, ce fardeau se situait entre 500 et 1000$ par tranche de 100 000$ d’évaluation. Par exemple, un propriétaire foncier à Longueuil possédant un immeuble évalué à 300 000$ était responsable, par le truchement de la ville, de renflouer les régimes de retraite des employés municipaux pour environ 2800$, fin 2012.
Les déficits accumulés des régimes de retraite des employés municipaux représentent un fardeau fiscal latent pour les propriétaires fonciers. À Québec, Montréal et Saguenay, ce fardeau dépassait 1000$ par tranche de 100 000$ d’évaluation municipale au 31 décembre 2012. Pour dix autres villes du Québec, dont Longueuil, Laval et Sherbrooke, ce fardeau se situait entre 500 et 1000$ par tranche de 100 000$ d’évaluation. Par exemple, un propriétaire foncier à Longueuil possédant un immeuble évalué à 300 000$ était responsable, par le truchement de la ville, de renflouer les régimes de retraite des employés municipaux pour environ 2800$, fin 2012.
Ce fardeau fiscal est latent car, pour renflouer les régimes de retraite, une ville pourrait décider de plutôt couper certains services et d’allouer l’argent ainsi économisé au renflouement du régime. Le fardeau fiscal latent deviendrait réel si une ville décidait d’imposer une taxe foncière spéciale, une fois, pour renflouer son régime de retraite. Cette taxe s’ajouterait alors au fardeau fiscal courant, lequel finance déjà la contribution des employeurs municipaux aux régimes de retraite. La taxe foncière représente la principale source de revenu des municipalités.
Pour 2013, on peut s’attendre à ce que les bons rendements boursiers l’an dernier aient poussé les déficits accumulés à la baisse. Par contre, l’augmentation de l’espérance de vie a poussé en sens contraire. Le portrait des déficits au 31 décembre 2013 n’est pas encore disponible.
Méthodologie, sources et notes
Pour une
municipalité, nous définissons le fardeau fiscal latent comme le quotient du
rapport entre le déficit de son (ses) régime(s) de retraite, au numérateur, et
l’évaluation totale de ses immeubles imposables, au dénominateur. Il s’agit
d’une approximation car les différents types d’immeubles ne sont pas tous taxés
au même taux. L’approximation sous-estime un peu le fardeau associé aux
immeubles commerciaux et surestime un peu celui associé aux immeubles
résidentiels. Néanmoins, ces écarts ne sont pas suffisants pour changer l’ordre
de grandeur de l’approximation.
Le déficit
du (des) régimes de retraite d’une municipalité est la différence entre la
« Valeur des obligations au titre des prestations constituées » (Rapport
financier, section S24-1, ligne 9) et la « Valeur de marché des actifs à
la fin de l'exercice » (Rapport financier, section S24-2, ligne 42). Ces données se trouvent ici.
L’évaluation
totale des immeubles imposables de la municipalité représente l’assiette de la
taxe foncière payée par les contribuables privés. Elle exclut la valeur des
immeubles non imposables, typiquement de propriété publique, qui comptent pour environ
dix pour cent de la richesse foncière totale. Nous excluons ces immeubles non
imposables du dénominateur car les municipalités ne contrôlent pas les compensations
tenant lieu de taxes foncières payées par les gouvernements aux municipalités pour
les immeubles dont ils sont propriétaires. C’est donc les contribuables privés d’une
municipalité qui sont responsables, en dernier ressort, des déficits des
régimes de retraite. Les données pour l’évaluation totale des immeubles
imposables se trouvent ici.
Cas
particuliers : 1) La ville de LaPrairie ne figure pas au classement car
les données pour cette ville n’apparaissant pas dans le registre public du
MAMROT consulté le 25 avril 2014. 2) Douze municipalités n'ont pas inscrit de
montant à la ligne 42 de la page S24-2 de leur rapport financier 2012. Suivant
la pratique du MAMROT, c'est donc la Valeur des actifs, inscrite à la ligne 8
de la page S24-1, qui est transposée comme valeur marchande en présumant qu'il
n'y a pas de lissage.
Avis aux jeunes familles : attention au fardeau fiscal latent !
Paru le 21 mai 2014 dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec. Voir aussi les textes des chroniqueurs Benoît Aubin, Christian Dufour, Karine Gagnon, Michel Girard, Michel Hébert, Lise Ravary et Jean-Jacques Samson à ce sujet.
Quand un
régime de retraite municipal est déficitaire, ce sont les contribuables
municipaux qui sont entièrement responsables de le renflouer, par le truchement
de la ville, dans presque tous les cas. Cet hiver, le gouvernement Marois a
présenté un projet de loi pour amener les villes et leurs syndicats à négocier
en vue de partager le fardeau des sacrifices à faire pour les renflouer. Si les
parties ne parvenaient pas à s’entendre après un an, une procédure d’arbitrage
s’enclencherait. Celle-ci pourrait donner lieu à une hausse des taxes
municipales, à une hausse des cotisations des employés, à une désindexation de
la rente versée aux retraités ou à une combinaison de ces trois moyens.
En mars, les
syndicats d’employés municipaux ont amorcé une campagne visant notamment à décourager
le gouvernement ‑ tant l’ancien que le nouveau ‑ d’imposer une limite sur la
durée de cette négociation.
Un déficit
de régime de retraite, c’est un peu comme la dette publique : ceux qui en ont
profité essaient de retarder indéfiniment le moment auquel on s’attaque
sérieusement au problème. On les
comprend : impossible pour les participants aux régimes et les retraités de
gagner quoi que ce soit; leur choix est de perdre maintenant ou perdre plus
tard. Chaque année passée à « étudier le problème », à « attendre
une embellie» ou à « négocier un compromis » représente un sursis durant
lequel les participants et les retraités sont exemptés du fardeau de contribuer
à la résolution du problème.
Heureusement,
certains dirigeants municipaux, comme le maire Labeaume à Québec et le
président de l’UMQ Éric Forest, ont pris le taureau par les cornes. Mais il est
aussi intéressant de regarder ailleurs. À Chicago ‑ troisième ville des
États-Unis – le maire a proposé un plan qui cotise à la fois les contribuables (imposition
d’une taxe foncière spéciale), les employés (hausse de leurs cotisations) et
les futurs retraités (baisse des rentes prévues). Selon le syndicat, un employé
quittant en 2015 avec une rente moyenne de 33 500$ en verrait la valeur
glisser à 22 700$ après 20 ans. Voici
donc l’une des principales villes du continent qui se résout à comprimer les
rentes.
Mais chez
nous la tradition du pelletage en avant est encore solidement ancrée. Durant
les années 1990, les bons rendements boursiers ont rendu les villes et leurs
syndicats « optimistes ». Autrement dit : ils ont fait la
cigale. Plusieurs villes ont pris congé sur les contributions qu’elles devaient
normalement verser à leur caisse de retraite. Pour leur part, les syndicats ont
obtenu des bonifications aux régimes. Des bonifications qui passent maintenant
pour des acquis sur lesquels on ne peut revenir. Les dirigeants municipaux et
syndicaux d’alors se sont ainsi achetés la faveur de leurs électeurs et membres,
mais en créant un risque financier pour leurs successeurs. Après eux le déluge.
Le gouvernement
du Québec a cautionné ce comportement cigale. Après que la bulle internet ait
éclaté en 2000, les régimes de retraite municipaux accumulèrent d’importants
déficits. La loi obligeait alors les villes à combler ces déficits en cinq ans,
ce qui paraissait tout à fait raisonnable jusqu’à lors. Mais les maires étaient
acculés à faire des choix désagréables : augmenter les taxes, diminuer les
services ou renégocier les régimes ‑ le genre de décision que les politiciens
préfèrent laisser à leurs successeurs. Leur solution : demander à Québec d’assouplir
la loi ! En 2006, dans le cadre d’un « pacte fiscal » avec les
municipalités, le gouvernement acceptât de soustraire les municipalités à
l’obligation qu’elles avaient de faire des versements pour résorber les
déficits de solvabilité de leurs régimes de retraite. (Selon la règle de
solvabilité, les actifs dans la caisse doivent être suffisants pour couvrir les
promesses faites aux participants et retraités). Ce relâchement a certes
soulagé les maires, mais au prix d’un message pernicieux : le laxisme
était désormais cautionné par l’autorité ministérielle. Et c’était avant même la
crise financière de 2008 ! Quand celle-ci éclata, il fallut soulager les villes
de nouveau. En 2009, le gouvernement accorda donc aux municipalités d’autres
allégements par rapport à leurs obligations normales envers leurs régimes de
retraite. Ceux-ci devaient offrir aux municipalités un répit temporaire et expirer
fin 2011. En fait, le gouvernement les a prolongés une première fois en 2011
jusqu’à fin2013, puis une seconde fois en 2013 jusqu’à fin 2015. De sorte que,
en 2015, sept ans après la crise, les municipalités seront toujours exemptées
des obligations normales d’un employeur à l’égard de son régime de retraite.
L’argument invoqué
pour exempter les villes de l’obligation normale d’assurer la solvabilité d’un
régime de retraite est qu’elles sont « pérennes ». Voilà, sous
couvert d’un bel euphémisme, une petite lâcheté qu’il vaut la peine de
démasquer. Contrairement à une entreprise privée, une municipalité ne peut
faire faillite, pas plus que le gouvernement et les autres employeurs publics d’ailleurs.
Pourquoi ? Car leurs revenus ne dépendent
pas de la faveur de leur clientèle comme c’est le cas pour une entreprise. Les pouvoirs
publics peuvent toujours taxer plus. Ainsi la promesse faîte aux retraités du
secteur public repose sur le pouvoir de taxation des gouvernements et
municipalités, lequel est théoriquement illimité. Autrement dit, pour combler
un déficit, pas besoin de taxer trop maintenant, on pourra toujours taxer trop plus
tard ! Le hic avec cet argument, c’est que les contribuables de demain ne sont
pas nécessairement les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Au niveau municipal par
exemple, les propriétaires âgés finissent par vendre ou décéder. Reporter à
plus tard le fardeau du renflouement des régimes de retraite, c’est donc, comme
pour la dette publique, refiler aux plus jeunes la facture du confort des plus
vieux.
Du point de
vue des jeunes adultes, il existe heureusement une réponse citoyenne à cette tendance
des parties prenantes plus âgées à pelleter les dettes publiques en
avant : la mobilité et la lucidité. Les jeunes familles qui choisissent la
municipalité dans laquelle elles s’établiront sont mobiles. Elles comparent les
villes qui les intéressent sur plusieurs plans, y compris celui du fardeau
fiscal. Lucides, elles seraient avisées de regarder non seulement le fardeau
fiscal visible, mais aussi le fardeau latent associé aux régimes de retraite
déficitaires.
Les villes se
font concurrence entre elles pour attirer les jeunes familles. Plus les maires,
les syndicats municipaux et les associations de retraités sentiront que les
jeunes familles sont mobiles et lucides, plus ces parties prenantes seront
motivées à faire les compromis nécessaires pour arrêter de pelleter le problème
en avant.
Espérons donc
que le projet de loi promis par le nouveau gouvernement libéral accélérera le
règlement de ce dossier. Espérons que le gouvernement ne cédera pas à la
tentation, comme tant de ses prédécesseurs, de ne mécontenter personne ‑ sauf
bien sûr les contribuables du futur.
mercredi 15 janvier 2014
Courtage immobilier : de la flexibilité svp
Paru le 15 janvier dans LaPresse, page A17, sur LaPresse+ et sur lapresse.ca
Tandis que
des dizaines de milliers de propriétaires s’apprêtent à mettre leur immeuble en
vente, les courtiers immobiliers du Québec s’offrent actuellement une campagne publicitaire pour promouvoir leur site web commun
(centris.ca) et
leurs services. L’ironie, c’est qu’en même temps, ils rebutent une partie de
leur clientèle potentielle en résistant au vent de changement qui souffle sur
leur industrie ‑un vent qui menace leur modèle d’entreprise lucratif.
Le modèle
d’entreprise traditionnel dans le courtage immobilier, c’est le service complet : le courtier s’occupe notamment de décrire l’immeuble, de l’afficher
sur le web, de le mettre en marché, de conseiller le vendeur et de le
représenter. Le contrat de courtage oblige le courtier à fournir l’ensemble de
ces composantes de manière groupée : au Québec, impossible pour le vendeur
de se les procurer à la carte.
Le vent de
changement, c’est celui du « dégroupage » : la séparation d’un
service en plusieurs composantes. Un vent qui a déjà transformé d’autres
industries comme le courtage de valeurs mobilières et la distribution de produits
d’assurance. En 2010, le Bureau de la concurrence a ouvert la voie au dégroupage du courtage immobilier
au Canada. Dans les autres provinces, les chambres immobilières ont dû supprimer
les règles qu’elles avaient établies pour décourager leurs membres qui
voulaient offrir aux vendeurs de simples affichages sur le réseau MLS. Le simple
affichage, offert à prix forfaitaire, est une solution de rechange bon marché
au service complet à commission.
Le
dégroupage du service immobilier est-il dans l’intérêt des vendeurs ? Faisons
un petit calcul: pour quelques centaines de dollars, un inspecteur en bâtiment identifiera
les faiblesses de votre immeuble, vous permettant de le décrire honnêtement;
idem pour un évaluateur agréé qui vous aidera à fixer un prix raisonnable;
1000$ vous achèteront de belles photos, la pancarte et l’affichage sur le web;
et pour un autre 1000-2000 $, un notaire vous fournira du soutien-conseil au
travers du processus. Somme toute, des frais minimes par rapport aux 20, 30 ou
40 000 $ de commission que prend un courtier pour son service complet
(lequel comprend aussi, il est vrai, des tâches aussi complexes que de répondre
aux appels et d’organiser les visites). Combien de temps faut-il à M/Mme
Tout-le-monde pour gagner 20 000$ après impôt ?
On veut votre bien et on
l’aura
Mais ce
vent de changement n’a pas encore atteint le Québec. Car chez nous la Loi sur le courtage immobilier a coulé dans le béton le modèle
d’entreprise à service complet. Cette loi attribue aux courtiers une responsabilité
professionnelle. Dès lors, pour l’assumer, ils affirment devoir prendre en
charge tous les aspects de la vente, même quand le vendeur ne désire que le
simple affichage. Cherchez l’erreur!
C’est cette
rigidité de l’offre, consacrée par la Loi sur le courtage immobilier, qui
pousse un nombre croissant de vendeurs à se tourner vers des services
d’affichage non-réglementés et beaucoup moins dispendieux.
Que certains
vendeurs désirent le service complet, que d’autres ne soient pas outillés pour
mener une transaction à bon port, je veux bien. Mais en interdisant aux courtiers
de dégrouper leur offre pour l’adapter aux besoins diversifiés des vendeurs, la
loi québécoise va trop loin. Elle infantilise les vendeurs et les acheteurs en les
supposant incapables de discernement. Sous prétexte de protéger le public, elle
sert surtout à protéger le biftèque des courtiers, en particulier leur modèle
d’entreprise le plus lucratif.
Les
courtiers pourraient méditer Le chêne et le roseau : quand
souffle le vent du changement, ce n’est pas le chêne rigide qui survit, c’est
le roseau flexible.
* * *
Quelques documents de référence
La Loi sur le courtage immobilier et ses règlements. L'article 26 de la Loi énonce que les règles relatives au contrat de courtage sont prévues par règlement de l’Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier (OACI). Cet organisme d'autoréglementation a édité un "formulaire obligatoire" appelé "Contrat de courtage exclusif - Vente" dont l'article 9.1 énonce les obligations du courtier; parmi ces obligations figure celle "d'effectuer toute la mise en marché usuelle". L'article 22 du "Règlement sur les contrats et formulaires" interdit de modifier de quelque façon que ce soit un formulaire édité par l’Organisme relativement à un contrat ou une proposition de transaction visé par la présente section pour diminuer les obligations du courtier. L'article 30 de la Loi énonce qu'un client ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère la loi. L’article 6 du "Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité" interdit au courtier d’insérer dans un contrat de service une clause excluant directement ou indirectement, en totalité ou en partie, sa responsabilité professionnelle.
L'entente de 2010 entre le Bureau de la concurrence et l'Association canadienne de l'immeuble (ACI) en vertu de laquelle les chambres immobilières du Canada, sauf celles du Québec, ont été obligées de supprimer les règles qu'elles avaient établies pour défavoriser leurs membres qui offraient de "simples affichages".
La Loi sur le courtage immobilier et ses règlements. L'article 26 de la Loi énonce que les règles relatives au contrat de courtage sont prévues par règlement de l’Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier (OACI). Cet organisme d'autoréglementation a édité un "formulaire obligatoire" appelé "Contrat de courtage exclusif - Vente" dont l'article 9.1 énonce les obligations du courtier; parmi ces obligations figure celle "d'effectuer toute la mise en marché usuelle". L'article 22 du "Règlement sur les contrats et formulaires" interdit de modifier de quelque façon que ce soit un formulaire édité par l’Organisme relativement à un contrat ou une proposition de transaction visé par la présente section pour diminuer les obligations du courtier. L'article 30 de la Loi énonce qu'un client ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère la loi. L’article 6 du "Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité" interdit au courtier d’insérer dans un contrat de service une clause excluant directement ou indirectement, en totalité ou en partie, sa responsabilité professionnelle.
L'entente de 2010 entre le Bureau de la concurrence et l'Association canadienne de l'immeuble (ACI) en vertu de laquelle les chambres immobilières du Canada, sauf celles du Québec, ont été obligées de supprimer les règles qu'elles avaient établies pour défavoriser leurs membres qui offraient de "simples affichages".
Les articles 77 et 78 de la Loi sur la concurrence, portant respectivement du la "vente liée" et "l'abus de position dominante". C'est en s'appuyant sur la notion "d'abus de position dominante" que le Commissaire de la concurrence a poussé les chambres immobilières du ROC à modifier leurs règles protectionnistes.
Une analyse de l'entente entre le Bureau de la concurrence et l'ACI réalisée par la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM) en 2010.
Une vidéo expliquant du risque que représentent les "simples affichages" de propriétés "A Vendre Par le Propriétaire" (AVPP / FSBO) pour le biftèque des courtiers, par le président de la CIGM. Voir le "risque #2" à environ 2m28 de la vidéo. Voir aussi les commentaires des membres de la CIGM sous cette vidéo.
Le jugement de la Cour supérieure du Québec confirmant, en appel, le jugement de la Cour du Québec, laquelle a rejeté une plainte de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier (OACI) contre duProprio. La plainte de l'OACI alléguait que duProprio avait « agi de manière à donner lieu de croire qu’elle était autorisée à exercer l’activité de courtier ou d’agent immobilier ».
* * *
Aux gens de l'industrie du courtage qui se demandent qui je suis et pourquoi j'ai rédigé ce texte, sachez que je ne suis en relation ni avec l'ACI, ni avec duProprio, ni avec un autre joueur de l'industrie immobilière. Je suis un simple propriétaire qui, après plusieurs transactions réalisées via des courtiers, a tenté l'expérience AVPP, qui s'est avérée fructueuse. Dans le cadre de cette transaction, j'ai été un client du service d'affichage duProprio, mais sans avoir eu un quelconque rapport spécial avec cette entreprise en dehors du rapport client-fournisseur normal. Je suis motivé ici par mes expériences antérieures avec divers agents et courtiers immobiliers.
* * *
Aux gens de l'industrie du courtage qui se demandent qui je suis et pourquoi j'ai rédigé ce texte, sachez que je ne suis en relation ni avec l'ACI, ni avec duProprio, ni avec un autre joueur de l'industrie immobilière. Je suis un simple propriétaire qui, après plusieurs transactions réalisées via des courtiers, a tenté l'expérience AVPP, qui s'est avérée fructueuse. Dans le cadre de cette transaction, j'ai été un client du service d'affichage duProprio, mais sans avoir eu un quelconque rapport spécial avec cette entreprise en dehors du rapport client-fournisseur normal. Je suis motivé ici par mes expériences antérieures avec divers agents et courtiers immobiliers.
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